Publié le 02 aoû 2010Lecture 6 min
L’état de mal épileptique chez l’adulte : quelle prise en charge ?
V. JAILLON-RIVIÈRE, CHU de Caen
L’état de mal épileptique (EME) convulsif généralisé nécessite une prise en charge la plus précoce possible modifiée par un consensus récent, influençant la morbi-mortalité. Le bilan étiologique doit être réalisé même chez un épileptique connu avec une indication large à l’imagerie. L’EME non convulsif n’est pas rare, il est de présentation hétérogène et la place de l’EEG y est fondamentale tant d’un point de vue diagnostique que du suivi. Ici, la prise en charge thérapeutique ne fait l’objet d’aucun consensus.
Les états de mal épileptiques (EME) convulsifs posent actuellement peu de problèmes diagnostiques et font l’objet d’un relatif consensus revu en 2009 quant à leur prise en charge. L’incidence annuelle des EME est de 10,3 à 41/100 000 habitants. Près de la moitié des EME surviennent chez un patient épileptique. La mortalité varie de 7,6 % à 39 % et est influencée par la qualité de la prise en charge initiale. L’EME est défini en général par des crises continues ou subintrantes pendant 30 minutes sans récupération de la conscience. L’EME tonicoclonique généralisé nécessite une prise en charge plus précoce. Physiopathologie L’EME résulte d’une hyperexcitabilité et d’un hypersynchronisme neuronal secondaire à un déséquilibre entre le système GABAergique et les acides aminés excitateurs, qui peut être constitutionnel ou acquis et peut conduire à des remaniements morphologiques et fonctionnels. Initialement, une phase adrénergique, tentant de compenser le métabolisme neuronal accru, entraîne sur le plan systémique une augmentation de la pression artérielle, une acidose lactique et une augmentation de la fréquence respiratoire. Ce mécanisme s’inverse en cas de prolongation avec apparition d’une défaillance respiratoire, hémodynamique et métabolique. Recherche de l’étiologie Le bilan étiologique doit être rapide, afin de ne pas retarder la prise en charge thérapeutique et comporter systématiquement la recherche d’une affection cérébrale aiguë (encéphalite infectieuse, AVC, traumatisme…) ou fonctionnelle (trouble métabolique, intoxication alcoolique ou médicamenteuse…). On recommande une indication large à l’imagerie surtout s’il existe un signe de localisation, un début partiel, la nécessité de réaliser une ponction lombaire (PL), la notion d’un traumatisme crânien (TC), d’une néoplasie ou d’une immunodépression. Place de l’EEG dans les EME L’EEG a une place fondamentale dans le diagnostic de l’EME, notamment en l’absence de signes moteurs. Il permet par ailleurs d’éliminer certains diagnostics différentiels, de préciser le diagnostic syndromique de l’épilepsie et représente une aide au diagnostic étiologique et au suivi évolutif et donc thérapeutique du patient. L’EEG doit être réalisé en urgence uniquement en cas d’EME non convulsif. Il sera effectué dès que possible dans les autres cas et renouvelé quotidiennement tant que la conscience ne s’est pas normalisée. Le bilan étiologique doit comporter systématiquement la recherche d’une affection cérébrale aiguë. Prise en charge thérapeutique EME convulsif généralisé En 2009, une conférence d’experts modifie partiellement la prise en charge des EME, notamment en recommandant de traiter les EME tonicocloniques généralisés après 5 minutes de convulsions étant donné le pronostic rapidement défavorable corrélé à la durée initiale de la crise. La stratégie thérapeutique dépendra de cette durée. • En cas de prise en charge précoce (< 30 minutes), une monothérapie par benzodiazépine injectable est recommandée. Il est recommandé de diminuer de moitié la posologie de benzodiazépine chez le sujet de plus de 80 ans. En cas d’efficacité, aucun relais par antiépileptique par voie intraveineuse d’action prolongée n’est obligatoire, mais le traitement par benzodiazépine sera maintenu quelques jours par voie orale ou intraveineuse discontinue. L’instauration ou l’adaptation d’un traitement antiépileptique de fond dépendra de l’étiologie des crises. • Au-delà de 30 minutes d’EME ou en cas d’échec de l’injection de benzodiazépine, un traitement antiépileptique d’action prolongée par voie intraveineuse doit être entrepris avec une dose maximale efficace d’emblée (molécule choisie selon les contre-indications). En cas d’échec de ce traitement (persistance des crises 20 minutes après la perfusion), la recommandation est désormais d’avoir recours immédiatement aux médicaments anesthésiques en association à la ventilation mécanique. Il est recommandé de diminuer de moitié la posologie de benzodiazépine chez le sujet de plus de 80 ans. États de mal non convulsifs (EMNC) Leur présentation clinique est très polymorphe et le diagnostic repose sur l’EEG. L’incidence reste à préciser allant de 16 à 40 % des états de mal. • On distingue les EMNC généralisés (état de mal absence) caractérisés par une altération de la conscience allant du ralentissement idéomoteur avec possibles activités « automatiques » et/ou myoclonies bilatérales discrètes à un état catatonique. Ils surviennent essentiellement chez les patients ayant une épilepsie généralisée idiopathique comportant des absences avec, dans 70 % des cas, un facteur précipitant retrouvé (dette de sommeil, alcool, traitement antiépileptique inapproprié, etc.). Ces états de mal sont de bon pronostic et cèdent en général sous benzodiazépine intraveineuse. • En ce qui concerne les EMNC partiels, les manifestations cliniques sont majoritairement végétatives, sensorielles ou psychiques prolongées avec ou sans altération de la conscience. Ils surviennent souvent chez des patients non épileptiques, notamment les sujets âgés et des séquelles définitives sont parfois rapportées. Ces EMNC non liés à une lésion cérébrale aiguë sont susceptibles de répondre aux benzodiazépines. En cas d’échec, la prise en charge thérapeutique ne fait pas consensus : le recours aux différents antiépileptiques de longue durée par voie intraveineuse est possible, mais le rapport bénéfice/risque doit être considéré au cas par cas en fonction de l’âge et des pathologies associées du patient étant donné la morbidité possible liée à certaines molécules sédatives. Les pseudo-EME En cas de présentation clinique atypique suggérant un EME convulsif, il faut penser à un pseudo-EME, notamment en cas de fermeture des yeux, résistance à l’ouverture des yeux, contact possible avec le patient. Un EEGvidéo sera alors très utile.
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