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Alzheimer et Démences

Publié le 15 déc 2008Lecture 13 min

Maladie d’Alzheimer : le temps du diagnostic. Les recommandations de l'HAS dans les démences

C. THOMAS-ANTÉRION, Unité de Neuropsychologie-CM2R, Saint-Étienne
L’élaboration par la HAS de recommandations professionnelles (RP) portant sur le suivi de patients atteints de maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée (démence vasculaire, démence à corps de Lewy, démence associée à une maladie de Parkinson, dégénérescence lobaire fronto-temporale, maladie de Creutzfeldt-Jakob) et leur publication à la fin du printemps 2008, répond à une demande du comité de veille de la Société française de neurologie. Le thème est limité au diagnostic et à la prise en charge jusqu’à la démence sévère, sans traiter de la fin de vie. 
  La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées ont fait l’objet de nombreux travaux récents français ou étrangers, notamment d’élaboration de RP. Nous avons dans un premier temps réuni tous ces documents et en avons fait une lecture et une synthèse approfondies. L’élaboration de ces RP ne s’appuyant pas sur une analyse de la littérature consécutive à une recherche documentaire, il n’a pas été possible de « grader » les recommandations présentées. La méthode utilisée pour rédiger les présentes recommandations a consisté à identifier pour chaque question posée par le comité d’organisation les RP et travaux disponibles. Les documents ainsi identifiés ont été envoyés aux membres du groupe de travail, composé du plus grand nombre possible de représentants de toutes les professions intervenant dans le domaine, et ce, afin qu’ils puissent en prendre connaissance avant leur première réunion. Dans l’argumentaire, seules les recommandations ont été rapportées et présentées côte à côte dans des tableaux. Le but de cette présentation était de simplifier la lecture et la comparaison des différentes recommandations existantes, avec mention de leurs grades quand ils étaient disponibles, afin que les membres du groupe de travail puissent proposer pour chaque question posée des recommandations adaptées au contexte français. Le déroulement du travail a suivi la même méthode que celle adoptée pour les recommandations pour la pratique clinique, avec la constitution d’un groupe de travail et d’un groupe de lecture. Il faut souligner l’extraordinaire dynamisme du groupe, suscitant souvent des questions et des controverses, mais ce, toujours dans le respect des uns et des autres et dans l’unique souci d’améliorer les pratiques et de les rendre les plus consensuelles possible à l’ensemble de la communauté. Nous ne rapportons dans ce bref article que les données principales concernant le temps du diagnostic de la MA. Le terme « démence » correspond à la définition médicale suivante : trouble de la mémoire et de l’idéation, suffisamment important pour retentir sur la vie quotidienne, associé à un autre trouble des fonctions cognitives (langage, praxies, gnosies...) et qui dure depuis au moins 6 mois (DSM-IV-TR). Il n’implique pas que le patient ait des troubles du comportement (même s’ils peuvent accompagner voire précéder les troubles cognitifs) et n’a aucune connotation péjorative. Il signifie que les troubles cognitifs ont un retentissement dans la vie quotidienne du patient et que celuici doit être aidé ou supervisé, au moins pour les activités les plus élaborées. En l’absence de toute perte d’autonomie, on parle de troubles cognitifs légers. La perte d’autonomie des patients qualifiés de « déments » n’est pas nécessairement sévère au début et pendant plusieurs années. Même si l’on peut regretter l’usage de ces termes, qui ont une toute autre signification dans le langage courant, il paraît plus simple de les utiliser, car on ne peut résumer la démence à la maladie d’Alzheimer qui, si elle est la cause la plus fréquente de démence, n’est pas la seule. Les acteurs de la prise en charge Une avancée considérable apportée par l’élaboration de ces RP a été de souligner que le diagnostic et la prise en charge de ces maladies nécessitent des compétences pluridisciplinaires, faisant intervenir des professionnels d’horizons et de pratiques différents. Le patient et ses proches sont placés au centre du dispositif (et non plus la maladie). Le médecin traitant devient le pivot de l’organisation des soins centrés sur le patient. Il collabore pour le diagnostic et le suivi avec un neurologue, un gériatre ou un psychiatre, et peut être aidé à des moments divers de l’évolution par de nombreux professionnels, y compris pour la coordination des soins. Plus que la spécificité des uns et des autres, l’accent est mis sur la complémentarité et l’échange de compétences. La prise en charge de ces maladies nécessitent des compétences pluridisciplinaires. Les critères diagnostiques de la maladie d’Alzheimer et l’entretien clinique  Il est recommandé que le diagnostic de la maladie d’Alzheimer soit posé dès les premiers symptômes (on parle bien ici de maladie avérée). Ce diagnostic nécessite une évaluation cognitive approfondie, réalisée de préférence dans le cadre d’une consultation mémoire spécialisée. Une évaluation cognitive est également préconisée à l’entrée et en cours de séjour en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il est conseillé de recourir aux critères diagnostiques de la maladie d'Alzheimer selon le DSM-IV-TR ou le NINCDS-ADRDA dans l’attente de la validation de critères plus spécifiques. Il est recommandé de procéder à un entretien avec le patient et, si possible, après son accord, avec un accompagnant identifié capable de donner des informations fiables. L’entretien porte sur les antécédents médicaux personnels et familiaux, les traitements antérieurs et actuels, le niveau d’éducation, l’activité professionnelle, l'histoire de la maladie, le changement de comportement et le retentissement des troubles sur les activités quotidiennes. Nous soulignons que le terme « entretien », malgré une éventuelle connotation « psychiatrique », a été préféré au terme « interrogatoire ». La recherche des antécédents médicaux porte notamment sur : les antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer ; les antécédents et les facteurs de risque cérébrovasculaire. Sont également recherchés : le type et l’origine de la plainte ; la prise de médicaments, d’alcool ou de toxique pouvant induire ou aggraver des troubles cognitifs ; un syndrome confusionnel antérieur. Le mode et le lieu de vie sont aussi précisés. L’histoire de la maladie est reconstituée avec le patient et son accompagnant, en recherchant un mode de début insidieux et l’évolution progressive des troubles. Pour chacune des fonctions cognitives, les symptômes suivants évoquant une détérioration intellectuelle doivent être recherchés : trouble de la mémoire des faits récents et des faits anciens (biographie du patient) ; trouble de l'orientation temporo- spatiale ; trouble des fonctions exécutives, du jugement et de la pensée abstraite ; trouble du langage ; difficulté à réaliser des gestes et des actes de la vie courante malgré des fonctions motrices intactes (apraxie) ; difficulté ou impossibilité à reconnaître des personnes ou des objets, malgré des fonctions sensorielles intactes (agnosie). Le recueil de la seule plainte de mémoire ou des seuls symptômes amnésiques ne suffit pas. Les évaluations cognitive, fonctionnelle et comportementale Il est recommandé d’effectuer une évaluation globale de manière standardisée à l’aide du Mini Mental Status Examination (MMSE) dans sa version consensuelle établie par le Groupe de recherche et d’évaluation des outils cognitifs (GRECO). Cependant, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ne doit pas reposer sur le seul MMSE. Il n’y a pas d’accord professionnel concernant le choix des autres tests de repérage à effectuer dans le cadre d’une évaluation des fonctions cognitives d’un patient suspect de maladie d’Alzheimer. Parmi les tests utilisés et de passation brève, on peut citer : l’épreuve de rappel des 5 mots ; les tests de fluence verbale ; le test de l’horloge ; le Memory Impairment Screen (MIS) ; le 7 minutes test ; le GPCog, etc. Il existe des batteries composites pouvant être réalisées au cours d’une consultation spécialisée, qui permettent une évaluation cognitive plus détaillée. Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ne doit pas reposer sur le seul MMSE. Le retentissement des troubles cognitifs sur les activités de la vie quotidienne doit être apprécié à l’aide de l’échelle Instrumental Activities of Daily Living (IADL) pour les activités instrumentales de la vie quotidienne (et échelle simplifiée comportant les 4 items les plus sensibles : utilisation du téléphone, utilisation des transports, prise de médicaments, gestion des finances) et de l’échelle Activities of Daily Living (ADL) pour les activités basiques de la vie quotidienne. L’entretien doit rechercher une dépression (critères DSM-IVTR), qui peut parfois se présenter sous l’aspect d’un syndrome démentiel, mais surtout peut accompagner ou inaugurer un syndrome démentiel. Un syndrome dépressif seul ne suffit pas à expliquer un déclin cognitif. Le comportement du patient doit être apprécié. L’entretien doit rechercher des troubles affectifs, comportementaux ou d’expression psychiatrique (troubles du sommeil, apathie, dépression, anxiété, hyperémotivité, irritabilité, agressivité, hallucinations, idées délirantes...), qui peuvent être observés dans le cadre d’une maladie d’Alzheimer ou d’une autre démence (démence à corps de Lewy, démence fronto-temporale, démence vasculaire). Cet entretien peut être structuré à l’aide d’échelles, telles que le Neuropsychiatric Inventory (NPI) et l’échelle de dysfonctionnement frontal (EDF). L’examen clinique L’examen clinique doit apprécier : l’état général (poids) et cardiovasculaire (hypertension artérielle, troubles du rythme) ; le degré de vigilance (recherche d’une confusion mentale) ; les déficits sensoriels (visuel ou auditif) et moteurs pouvant interférer avec la passation des tests neuropsychologiques. L’examen neurologique reste longtemps normal dans la maladie d’Alzheimer. L’existence de signes neurologiques (signe de Babinski, syndrome pseudo-bulbaire, réflexes archaïques, signes parkinsoniens, myoclonies, mouvements involontaires, troubles de l’oculomotricité, troubles sphinctériens, troubles de la posture et de la marche, dysautonomie) doit faire évoquer un autre diagnostic que celui de maladie d’Alzheimer ou une comorbidité. La recherche de comorbités (dépression, anxiété, maladie cardiovasculaire, dénutrition, insuffisance rénale, trouble métabolique, apnée du sommeil, complication iatrogène, prise de toxiques...) est importante dans l’évaluation d’un patient avec une démence. Elle doit être effectuée lors du diagnostic et lors de toute aggravation brutale des troubles cognitifs ou comportementaux. L’existence de signes neurologiques doit faire évoquer un autre diagnostic que celui de maladie d’Alzheimer ou une comorbidité. L’évaluation neuropsychologique spécialisée Le choix des tests neuropsychologiques validés à effectuer dans le cadre d’une consultation spécialisée est laissé à l’appréciation de chacun. Le bilan neuropsychologique doit évaluer chacune des fonctions cognitives et, tout particulièrement, la mémoire épisodique, la mémoire sémantique, les fonctions exécutives, l’attention et les fonctions instrumentales (langage, praxie, gnosie, fonctions visuoconstructives, calcul). Les tests appréciant notamment la mémoire verbale épisodique avec un apprentissage, comportant un contrôle de l’encodage, des rappels libres, indicés, immédiats et différés, ainsi qu’une reconnaissance, sont recommandés, par exemple les RL/RI-16 items, RI-48 items, DMS-48, etc. Les examens paracliniques Il est recommandé de prescrire des dosages biologiques : thyréostimuline hypophysaire (TSH), hémogramme, ionogramme sanguin, calcémie, glycémie, albuminémie et bilan rénal (créatinine et sa clairance calculée selon la formule de Cockroft et Gault). Les dosages de vitamine B12, de folates, le bilan hépatique (transaminases, gamma GT), les sérologies syphilitique, VIH ou de la maladie de Lyme sont prescrits en fonction du contexte clinique. Une imagerie cérébrale systématique est recommandée pour ne pas méconnaître l’existence d’une autre cause (processus expansif intracrânien, hydrocéphalie à pression normale, séquelle d’accident vasculaire...) et pour objectiver une atrophie associée ou non à des lésions vasculaires. L’idéal est une imagerie par IRM avec des temps T1, T2, T2* et FLAIR, et des coupes coronales permettant de visualiser l’hippocampe ou, à défaut, une tomodensitométrie cérébrale sans injection de produit de contraste. La réalisation systématique d’une imagerie par tomographie d’émission monophotonique (TEMP), d’une scintigraphie cérébrale avec l’ioflupane (DaTSCAN®) ou d’une imagerie par tomographie à émission de positrons (TEP) n’est pas recommandée pour porter un diagnostic positif de maladie d’Alzheimer. Une analyse standard du LCR (cellules, protéine, glucose, électrophorèse des protéines) est conseillée chez les patients avec une présentation clinique atypique inquiétante et/ou rapidement évolutive (suspicion de maladies inflammatoire, infectieuse, paranéoplasique ou de Creutzfeldt- Jakob – dosage de la protéine 14-3-3). Le dosage dans le LCR des protéines Tubulin Associated Unit (TAU) totale, phospho- TAU et Aß42 peut être réalisé en cas de doute diagnostique et, en particulier, chez les patients jeunes. La réalisation d’un électroencéphalogramme (EEG) n’est préconisée qu’en fonction du contexte clinique. Le génotypage de l’apolipoprotéine E n’est recommandé ni comme test de dépistage de la maladie d’Alzheimer, ni comme test diagnostique complémentaire de la maladie d’Alzheimer. Après consentement écrit, la recherche d'une mutation sur l'un des trois gènes actuellement en cause (APP, PSEN1, PSEN2) peut être réalisée chez les patients avec des antécédents familiaux de démence évocateurs d'une transmission autosomique dominante. Si une mutation a été identifiée chez un patient, un diagnostic présymptomatique peut être réalisé chez les apparentés qui le souhaitent et avec leur consentement écrit. Ce diagnostic présymptomatique ne peut être entrepris que dans le cadre d'une procédure d'informations et de prise en charge se déroulant au sein d'une consultation multidisciplinaire de génétique. Une imagerie cérébrale systématique est recommandée pour ne pas méconnaître l’existence d’une autre cause.  En pratique • Outre plusieurs paragraphes concernant l’annonce diagnostique, des recommandations concernent le temps du diagnostic précoce qui n’est recommandé dans la maladie d’Alzheimer que s’il est accompagné d’un engagement de prise en charge. • La mise en place précoce de thérapeutiques, d’une prise en charge médicosociale et d’un accompagnement assurent une meilleure qualité de vie aux patients et aux aidants sur un temps plus prolongé, et pourraient retarder l’entrée en institution. Le diagnostic précoce permet d’informer le patient et la famille sur la maladie à un moment où il est à un stade paucisymptomatique, communique encore avec ses proches et peut éventuellement formuler des directives anticipées. • Il permet aussi de prévenir l’épuisement familial par la mise en place précoce et progressive des aides et soutiens nécessaires. • Par ailleurs, les patients qui présentent des troubles cognitifs légers font partie d’une population à risque qui justifie un suivi régulier, à expliciter comme tel au patient, avec les précautions éthiques qui s’imposent et l’absence de traitement préventif pour le moment.

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