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Alzheimer et Démences

Publié le 03 mai 2011Lecture 8 min

Maladie d’Alzheimer : pourquoi et comment informer ?

Y. KAGAN, Fondation de Rothschild, Paris

Imposée par la loi et explicitée dans ses modalités par le code de déontologie, l’information est dans les maladies neurodégénératives d’autant plus utile au patient que le diagnostic est précoce. Elle permet au patient et à son entourage de mieux intégrer le projet thérapeutique. Pour autant, elle doit être adaptée quel que soit le stade de la maladie et être « sur mesure », selon chaque patient ou le contexte familial. En effet, si l’éthique de conviction stipule de devoir la vérité au malade, l’éthique de responsabilité incite à envisager les conséquences de l’annonce. 

 
Pourquoi informer ? L’information engage la parole du médecin. En cela, elle est un acte médical qui comme tel peut se penser en termes de rapport bénéfice/risque. D’un point de vue éthique, l’informer c’est ne pas oublier comme trop souvent quand le patient est dépendant qu’il est le premier concerné et a le droit en tant que tel de savoir. C’est ainsi faire preuve de respect à son égard. D’un point de vue pragmatique, la relation médecin patient est d’autant meilleure qu’elle est authentique. L’information soulage tandis que le doute est anxiogène. Comme pour toute maladie chronique, elle est aussi le garant d’une prise en charge optimisée en termes de compréhension, d’implication et de souci de l’autonomie. Enfin, à partir du moment où on compte prescrire des IAChE, il faut de toutes les façons informer, puisque le terme « Alzheimer » figure sur la boîte. Parfois, les bénéfices à informer n’apparaissent pas si pertinents quand la découverte est faite à un stade avancé et que l’information d’un patient, dont la capacité à comprendre est réduite, n’aura probablement pas d’incidence réelle sur la prise en charge. Quant aux risques à informer, ils apparaissent marginaux et propres à certaines situations au demeurant rares : annonce vécue comme un « verdict » brutal et traumatisant, risque d'induire désespoir et idéation suicidaire, utilisation abusive du diagnostic dans certaines situations médico-légales, atteinte à une vraie volonté de ne pas savoir. Au total, les bénéfices l’emportent sur les risques, et rares sont les situations de renoncement à informer. La question devient alors de savoir comment s’y prendre…   Comment informer ? Quelles informations ? Elles sont de plusieurs natures possibles : ● diagnostiques : explication de la démarche basée sur un faisceau de présomptions, modulation selon le degré de probabilité diagnostique, variation selon le type de pathologie suspectée ; ● pronostiques : en sachant être nuancé, mettre l’accent sur l’évolutivité qui est souvent imprévisible, insister sur l’aspect positif d’un soutien familial et d’une insertion sociale de qualité, dédramatiser la question de la transmission génétique ; ● thérapeutiques : nature et mode d’emploi des médicaments disponibles (anticholinestérasiques, mémantine), conseils d’aide, stratégies psychosociales aptes à retarder l’évolution délétère de la maladie et à augmenter la qualité de vie des patients et de leur entourage.   Informer qui ? Il apparaît indispensable d’informer à la fois le patient et la personne la plus proche. Il n’est pas éthique de communiquer le diagnostic seulement au proche et de le cacher au patient, en s’abritant derrière le prétexte de ne pas le mettre au courant des examens, des traitements ou projets qui le concernent, sous prétexte qu’il oublie. Il s’agit simplement d’adapter son discours aux capacités de son patient. À moins que l’on ne se situe dans un contexte délicat de maltraitance suspectée, il est important de ne pas exclure les proches de l’information, tout au moins les plus concernés et impliqués notamment en termes d’aide fournie au quotidien. Ils restitueront d’autant mieux les informations oubliées. D’autre part, la qualité des explications qui leur seront fournies permettra d’optimiser la qualité de leur aide.   Quand informer ? L’information est en fait un processus continu qui peut démarrer dès que le diagnostic est suspecté et que des examens sont prévus (il faut bien expliquer pourquoi on passe des tests neuropsychologiques). Compte tenu de la variabilité des attentes de la famille et de l'entourage, il convient également d'évaluer précisément l'intérêt et la pertinence de chaque examen. Pour cela, le temps nécessaire au bilan peut aider à l’appropriation des informations données. Puis le processus se poursuit au fur et à mesure que l’hypothèse diagnostique se consolide, et que la prise en charge débute à la faveur des questions qui progressivement émergent des uns ou des autres. Il convient donc de « donner du temps au temps », sans à l’opposé prendre trop de temps, l’excès d’attente étant anxiogène.   Avec quels fils directeurs ?  Comprendre Le diagnostic de maladie d’Alzheimer constitue une double menace pour l’identité du patient et pour l’identité familiale. Que vont faire le patient et son entourage avec ce diagnostic ? Comment les investissements de chacun vont-ils se recomposer à la suite des troubles cognitifs. Comment cet ensemble va-t-il retrouver son équilibre ? Au fur et à mesure du processus d’information, il est utile pour le praticien de comprendre quelles idées se font de la maladie d’Alzheimer le patient et ses proches. Qu’en saventils ? Qu’en imaginent-ils ? Il y a souvent un vaste écart entre les critères neurologiques et neuropsychiques du médecin et la gamme des ressentis et représentations des uns et des autres. Concernant le patient, quelle est sa personnalité ? Y a-t-il une modification récente imputable à la maladie ? Est-il anxieux ? Exprime t-il des attentes vis-à-vis de cette maladie ou pas précisément ? Dans tous les cas, il est important de reconnaître une dépression sous-jacente (sans la diagnostiquer non plus par excès). Concernant les proches, les réactions peuvent être variées : surprise, réaction de culpabilité, effondrement émotionnel, sidération anxieuse ou, à l’opposé, soulagement. À moins que tout indique dans le comportement un refus de savoir voire un véritable déni, lequel peut être bien sûr entretenu par l’absence de certitude diagnostique : notamment quand il y a hésitation avec d’autres pathologies que l’Alzheimer stricto sensu ou encore quand on se situe dans une forme prédémentielle de maladie d’Alzheimer. Quand la demande est repérable, de qui provient-elle ? Du patient inquiet de sa mémoire ou de l’entourage inquiet par une modification du comportement ? À l’inverse, comment interpréter une absence de demande ? Anosognosie, démotivation, dépression chez le patient ? Déni, peur, dépression d’épuisement, bénéfice secondaire dans l’entourage ? Il est également intéressant d’apprécier les liens à l’oeuvre entre le patient et ses proches : modalités d’identification, ambivalence des proches vis-àvis du patient atteint de démence, stratégies de préservation de l'équilibre familial.    Accompagner L’idée est d’être au plus proche de la vérité du patient et de son système familial tout en tenant compte de ses capacités à entendre et comprendre ce qui lui est énoncé. Lorsque la question est posée de l'existence ou non d'une maladie d'Alzheimer, la réponse doit être sincère et nuancée. Il est essentiel de s’adapter à la singularité de chaque patient, de chaque contexte, tant sont divers les questionnements, les situations, les attitudes des patients ou des familles. Il est aussi important de faire la part entre les demandes concrètes et les attentes implicites tout en entretenant la confiance. Le processus d’information est indissociable de la capacité à accompagner le patient et sa famille. Il convient d’être un médiateur favorisant toujours les échanges et la verbalisation des ressentis sans jugement ni parti pris, d’être apaisant et contenant, d’accepter l'expression des émotions, des manifestations les plus diverses, même inadaptées ou incontrôlées. Notamment, il est essentiel pour le praticien de ne pas confondre l'expression des affects de la famille avec une remise en cause de ses propres capacités.    Dédramatiser Il convient de mettre l’accent sur les capacités restantes d’introduire la notion de temps dans l’évolution de la maladie et de recentrer le discours sur les aspects positifs de la prise en charge. On sait en effet celle-ci diverse : médicaments, actions rééducatives, socialisantes et narcissisantes, dispositifs de soutien à domicile. Dans tous les cas, elle doit pouvoir être organisée en concertation, sans éluder l’hypothèse possible à venir de l’institutionnalisation. Avec toujours le même souci de lutter contre la dévalorisation du patient atteint, et ce, quel que soit le stade auquel la maladie est découverte.

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