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Epilepsie

Publié le 19 déc 2010Lecture 11 min

Particularités de la prise en charge de l'épilepsie chez le sujet âgé

S. DUPONT, Unité d’Épileptologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, UPMC, CRICM, Paris
L’épilepsie du sujet âgé comporte de nombreuses particularités tout à la fois épidémiologiques et diagnostiques, étiologiques et cliniques, mais aussi physiologiques et thérapeutiques. Une autre particularité de la prise en charge à cet âge, et non des moindres, est qu’elle est pluridisciplinaire faisant intervenir tantôt le neurologue, tantôt le gériatre, tantôt le médecin généraliste, tantôt les trois. 
L’implication de ces différents acteurs de santé demande un niveau égal de compétences, de formation et d’information pour prodiguer au patient des soins spécifiques et concertés. Cette démarche suppose donc pour les neurologues de se former aux particularités physiopathologiques du patient épileptique âgé et pour les gériatres et les médecins traitants de connaître la pathologie épileptique. Compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie et du vieillissement de la population, l’épilepsie du sujet âgé, tout comme la maladie d’Alzheimer, risque de devenir un réel enjeu de santé publique dans les années à venir.  L’épilepsie du sujet âgé, tout comme la maladie d’Alzheimer, risque de devenir un réel enjeu de santé publique dans les années à venir.  Particularités épidémiologiques et diagnostiques L’épilepsie du sujet âgé offre le paradoxe d’être tout à la fois fréquente et sous-diagnostiquée : • fréquente : l’incidence des premières crises augmente de 50 pour 100 000 dans la tranche 40- 59 ans à 127 pour 100 000 au-delà de 60 ans (1). Trente pour cent des nouveaux cas déclarés d’épilepsie concernent des personnes âgées de plus de 65 ans ; • sous-diagnostiquée pour plusieurs raisons : - méconnaissance de la clinique habituelle de l’épilepsie ; - atypies de la présentation clinique de certaines crises du sujet âgé ; - non-accès aux outils diagnostiques, tels que l’EEG ou l’EEGvidéo ; - multiplicité des diagnostics différentiels trompeurs et fréquents dans cette tranche d’âge (AIT, syncopes, confusions d’origine iatrogène ou métabolique, etc.). Particularités cliniques Types de crises On rencontre essentiellement chez le sujet âgé deux grands types de crises d’épilepsie : • majoritairement, des crises partielles (simples ou complexes avec ou sans généralisation secondaire) ; • des crises généralisées tonico-cloniques qui peuvent être situationnelles (avec une surreprésentation de crises isolées situationnelles le plus souvent d’origine métabolique ou toxique médicamenteuse). Plus rarement, on pourra constater des crises myocloniques, le plus souvent dans le cadre d’une pathologie dégénérative associée du SNC. Une autre particularité du sujet âgé est la plus grande fréquence des états de mal, notamment partiels (2). Présentation clinique Concernant les crises généralisées tonico-cloniques, la présentation clinique ne revêt pas de spécificités cliniques si ce n’est l’absence plus fréquente de témoins pouvant rendre le diagnostic difficile. Pour les crises partielles, on note plusieurs spécificités : - une fréquente absence de phase partielle simple (ou aura) ou une phase partielle simple peu évocatrice (vertige, trouble de l’équilibre, fatigue, etc.) ; - une plus grande fréquence de crises à expression extratemporale, notamment frontale (liée au fait que les AVC – majoritairement sylviens – représentent une cause fréquente d’épilepsie du sujet âgé) ; - une fréquence accrue des symptômes postcritiques déficitaires transitoires, mais parfois prolongés (amnésie, aphasie, confusion, déficit moteur, etc.) (3). Situations cliniques trompeuses Plusieurs situations cliniques fréquemment rencontrées chez le sujet âgé peuvent s’avérer peu évocatrices d’épilepsie et pourtant directement en résulter.   La confusion La confusion est un motif de consultation très fréquent chez le sujet âgé, concernant, selon les études, 14 à 56 % des patients âgés se présentant aux urgences (4). Les causes sont souvent plurifactorielles et facilitées par une pathologie dégénérative. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’une crise d’épilepsie ou un état de mal épileptique partiel peuvent se présenter sous forme d’une confusion isolée ou associée à de discrets signes moteurs (clonies, myoclonies). Il convient donc de principe d’évoquer une possible étiologie épileptique chez un sujet âgé dont la confusion reste inexpliquée (après exclusion des causes les plus fréquentes de confusion : iatrogénie, infection, désordre métabolique ou électrolytique). La réalisation d’un EEG s’imposera alors, sachant que celuici peut s’avérer peu contributif en cas de confusion postcritique prolongée mais, en revanche, fera le diagnostic d’un état de mal à présentation confusionnelle. Il convient d’évoquer une possible étiologie épileptique chez un sujet âgé dont la confusion reste inexpliquée.   Les chutes Là encore, les chutes sont un motif fréquent de consultation aux urgences ou au cabinet du médecin. Le diagnostic de crises à l’origine de la chute ne devra être suspecté qu’en présence d’éléments associés évocateurs : amnésie de l’épisode, rupture de contact ou perte de connaissance accompagnant la chute.   La perte de connaissance Deux grands diagnostics doivent être évoqués devant une perte de connaissance du sujet âgé : d’une part, celui de crise d’épilepsie et, d’autre part, celui de syncope. Au sein des syncopes, une étiologie cardiaque pouvant menacer le pronostic vital sera à écarter en urgence, l’ECG s’impose donc comme un examen complémentaire indispensable dans ce cadre. Dans cette tranche d’âge, les syncopes vasovagales restent un diagnostic à envisager surtout en cas de phase prodromique évocatrice. Les syncopes par hyperactivité du sinus carotidien sont un autre diagnostic fréquent à ces âges, et un massage du sinus carotidien (praticable au lit du patient ou en consultation) sera alors d’une grande rentabilité (après avoir écarté une contreindication par une auscultation attentive de la carotide à la recherche d’un souffle pouvant témoigner d’une sténose sousjacente). Principales étiologies Dans la grande majorité des cas, l’épilepsie du sujet âgé est liée à une cause et dite symptomatique (environ 70 % des cas). Les formes dites idiopathiques ne sont habituellement pas retrouvées sur ce terrain. Deux étiologies sont principalement rencontrées : • l’étiologie vasculaire rend compte à elle seule d’environ 30 % des épilepsies du sujet âgé (5). Certains auteurs étendent les critères d’étiologie vasculaire et retiennent le diagnostic d’épilepsie vasculaire devant l’existence sur l’imagerie d’une séquelle vasculaire corticale voire même sous-corticale, ou la seule présence de facteurs de risque cardiovasculaire, ce qui est plus contestable. D’autres auteurs ont également montré que l’existence d’une première crise sans cause retrouvée chez le sujet âgé pouvait laisser présager de la survenue ultérieure d’un AVC, et imposait un bilan cardiovasculaire complet, ainsi que la maîtrise préventive d’éventuels facteurs de risque cardiovasculaires (6) ;  • l’étiologie dégénérative et principalement la maladie d’Alzheimer multiplierait par 7 le risque de survenue d’une crise dans cette tranche d’âge, celuici étant d’autant plus élevé que l’âge de début de la maladie dégénérative est précoce (7). La survenue de crises d’épilepsie chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer est un facteur de gravité témoignant d’une atteinte cognitive généralement plus prononcée et accélérant le passage en institution. À noter, que la simple présence d’une atrophie corticale sur l’imagerie, banale à cet âge, ne suffit pas à retenir une étiologie dégénérative comme étant à l’origine de l’épilepsie. Par rapport aux patients plus jeunes, on note une très nette diminution des étiologies posttraumatiques et alcooliques. L’étiologie vasculaire rend compte à elle seule d’environ 30 % des épilepsies du sujet âgé. Bilan diagnostique Le bilan de l’épilepsie du sujet âgé ne diffère en rien de celui du sujet plus jeune. Il devra comporter obligatoirement un EEG (en sachant que des anomalies épileptiques intercritiques ne sont présentes que chez environ 25 % des patients et qu’un foyer d’ondes lentes ne s’avérera guère spécifique vu la multiplicité des agressions cérébrales intriquées), un bilan biologique et biochimique complet, le plus rapide possible après la crise, et bien entendu une imagerie cérébrale (IRM cérébrale idéalement). En cas de doute, tout comme chez l’enfant et l’adulte plus jeune, le recours à l’EEG-vidéo permettra éventuellement de poser le diagnostic ou de l’infirmer. La prise en compte des particularités cliniques de l’épilepsie du sujet âgé imposera, par ailleurs, la réalisation d’un ECG, d’un bilan cardiologique et d’un massage sino-carotidien si besoin. Particularités physiologiques et thérapeutiques Particularités pharmacocinétiques Les paramètres pharmacocinétiques sont souvent différents chez la personne âgée : clairance réduite par insuffisance rénale et/ou hépatique, liaison aux protéines réduite par réduction des concentrations d’albumine, volume de distribution des médicaments liposolubles augmenté, etc. Par conséquent, la demi-vie d’élimination des médicaments se trouvera souvent augmentée, d’où un risque d’accumulation dans l’organisme et de surdosage. On recommandera donc chez la personne âgée une vérification de la fonction rénale et hépatique avant la mise en route du traitement et régulièrement après. La titration devra être extrêmement lente et prudente en débutant à des posologies très faibles, notoirement infrathérapeutiques, et il conviendra de cibler une dose moyenne inférieure à celle recommandée chez l’adulte de moins de 65 ans. Coprescriptions Les personnes âgées souffrent le plus souvent de pathologies associées faisant déjà l’objet d’un traitement (hypercholestérolémie, HTA, diabète, angor, etc.). Le choix du traitement antiépileptique devra donc dans ce cas prendre en compte plusieurs critères : absence d’interaction avec les traitements déjà en place ou interaction contrôlée et absence d’interaction du traitement déjà en place avec le médicament antiépileptique. Particularités pharmacodynamiques La personne âgée a fréquemment une plus grande sensibilité à certains effets secondaires, avec en particulier un risque accru de confusion et de somnolence. Les effets secondaires dose-dépendants et les réactions idiosyncratiques semblent plus prononcés dans cette tranche d’âge sans qu’on en connaisse le fondement physiopathologique exact, hormis une plus grande vulnérabilité cérébrale liée à l’âge. Particularités thérapeutiques Une particularité chez le sujet âgé est la surreprésentation de crises isolées. Habituellement, une décision de mise en route de traitement n’est pas retenue en cas de crise unique. Néanmoins, chez le sujet âgé, la décision de débuter un traitement antiépileptique est moins attentiste et peut se concevoir dès la première crise. Si le traitement est bien toléré et n’a pas d’interactions avec les comédications, on aura par ailleurs tendance à le poursuivre sur une longue durée. Une autre particularité de l’épilepsie du sujet âgé est de disposer de peu d’essais thérapeutiques dédiés à cette tranche d’âge spécifique.   Au vue des quelques études existantes et de l’expérience clinique, on recommandera l’emploi de : - la lamotrigine (Lamictal®) : le caractère non sédatif du médicament et la bonne tolérance, l’absence d’induction ou d’inhibition enzymatiques peut s’avérer un atout chez la personne âgée. Une étude récente comparant lamotrigine et carbamazépine chez la personne âgée a confirmé la supériorité d’efficacité et de tolérance de la lamotrigine dans cette tranche d’âge (8) ; - la gabapentine (Neurontin®), du fait de sa bonne tolérance et de son absence d’interactions pharmacocinétiques, peut être également indiquée. L’écueil est cette fois la nécessité d’avoir recours à trois prises quotidiennes, mais s’il semble difficilement surmontable, on peut proposer une répartition en deux doses ; - de nouvelles molécules telles que le lévétiracétam (Keppra®) ou le zonisamide (Zonegran®) sont à tester dans cette population spécifique du fait tout à la fois de leur efficacité et de leur caractère non sédatif. On évitera si possible l’emploi d’inducteurs enzymatiques même si, dans certains cas, la phénytoïne (Dihydan®), malgré ses complexes interactions pharmacocinétiques, peut rester un médicament de deuxième intention chez la personne âgée en raison de son caractère non sédatif, de sa possibilité de titration rapide et simple, de son coût modéré et bien entendu de son efficacité. La carbamazépine dans sa formulation à libération prolongée (Tégrétol® LP) peut également s’avérer être une thérapeutique intéressante de deuxième choix du fait de ses propriétes normothymiques et de son efficacité.

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