Publié le 24 aoû 2008Lecture 6 min
Reconnaître une douleur neuropathique : rigueur et patience
J.-F. DOUBRERE, CETD, Hôpital Saint-Antoine, Paris
Le diagnostic de douleur neuropathique requiert une analyse sémiologique rigoureuse, faute de quoi les malades qui espèrent être soulagés risquent d’être déçus. Les douleurs neuropathiques sont des douleurs liées à une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux, qu’il soit central ou périphérique. Certains excluent de cette définition les douleurs liées à une compression aiguë (canal carpien, lombosciatique aiguë…).
Les caractéristiques cliniques des douleurs neuropathiques sont de deux ordres : symptômes positifs : les plaintes, telles que douleurs, paresthésies, dysesthésies fourmillements, ruissellements, impression de démangeaisons ou de « bêtes qui montent » ; symptômes négatifs : signes objectifs d’examen qui parfois les accompagnent, tels qu’un déficit neurologique sensitif ou moteur. Données d’interrogatoire La douleur comporte : • une composante continue (plus de 90 % des cas) : brûlure avant tout, parfois aussi étau, arrachement, démangeaison ; • une composante paroxystique (dans 10-15 % des cas) : décharge électrique, coup de couteau, éclair. Elle peut être associée à des dysesthésies (fourmillements, picotements). Mais le type de douleur ne suffit pas à dire qu’elle est neurogène : encore faut-il une topographie édifiante, montrant une systématisation neurologique : tronc, racine, plexus, voies sensitives au niveau de la moelle, thalamique, hémicorps. CAUSES HABITUELLES DE DOULEURS NEUROPATHIQUES Algies postzostériennes Neuropathies périphériques toxiques et métaboliques Neuropathies périphériques axonales sans cause, se traduisant par une sensation de brûlure aux extrémités Compressions nerveuses prolongées Séquelles de décompression radiculaire ou tronculaire : faisant suite à une souffrance aiguë, les douleurs se produisent d’autant plus que l’obstacle a été levé trop tardivement Fibroses - Fibroarachnoïdites Plexites postradiques ou postchirurgicales K sein Lésions médullaires, quelle que soit la cause (démyélinisation type SEP…) Lésions thalamiques (ischémiques) : tous les AVC, qui se situent au niveau du thalamus, entre le thalamus et le cortex ou entre le thalamus et le tronc cérébral, sont générateurs de douleurs dites centrales, survenant en général à distance de l’AVC Examen neurologique Il recherche une hyposensibilité (hypoanesthésie) à un ou plusieurs modes (retrouvée dans 85 % des cas) : piqûre, toucher, thermique. On doit tester les différentes modalités de sensibilité, l’absence d’hypoesthésie à la piqûre ne signifiant pas ipso facto hypoesthésie. Il recherche aussi une hypersensibilité à type de réponse douloureuse exagérée qui peut revêtir trois formes : • allodynie : douleur provoquée par un stimulus qui normalement n’est pas douloureux comme appuyer sur la peau ou frotter la peau ; • hyperalgésie : sensation habituellement douloureuse mais ressentie comme plus douloureuse que la normale ; • hyperpathie : sensation douloureuse sentie comme douloureuse au moment où on la provoque (piqûre), mais continuant de l’être après, même de façon plus importante. Tous les patients n’ont pas de déficit de la sensibilité et certains patients ont un examen neurologique dans les limites de la normale. Il convient de distinguer la gêne causée et la gêne accompagnant la douleur comme une perte de sensibilité ou un déficit moteur. Toutes les douleurs ne s’installent pas de façon immédiate par rapport à la lésion ; certaines s’installent de façon retardée, comme c’est le cas dans le zona. Un questionnaire a été mis au point, le questionnaire DN4 dont la spécificité de 90 % aide à un diagnostic de probabilité. Les douleurs mixtes Cohabitation de deux types douloureux Les douleurs mixtes sont souvent nociceptives et neurogènes. C’est notamment le cas pour les douleurs cancéreuses. La maladie cancéreuse est une situation où les deux types de douleurs coexistent. Il convient de repérer la composante neuropathique qui souvent n’est pas très sensible à la morphine. Attitude vicieuse nociceptive secondaire Les patients peuvent aussi adopter des positions vicieuses, car certains mouvements ou frottements peuvent déclencher les douleurs neuropathiques. La position vicieuse entraîne à son tour une douleur musculo-tendineuse nociceptive secondaire. Et les douleurs de cicatrice ? Quant aux douleurs postopératoires, beaucoup d’entre elles peuvent comporter un élément neurogène. Encore faut-il procéder à une analyse sémiologique clinique fine : ainsi, une hypoesthésie autour de la cicatrice, un DN4 > 4 sont autant d’arguments en faveur d’une composante neuropathique. Les douleurs de cicatrices sont des douleurs rechutant ou persistant le long d’une cicatrice au moins 2 mois après l’intervention. Elles sont possibles aussi bien en coeliochirurgie qu’en chirurgie conventionnelle. Elles sont classiques dans les circonstances suivantes : • post-thoracotomie ; • postmastectomie (lésion du nerf intercosto-brachial dans la dissection du creux axillaire) ; • post-arthroscopie et chirurgie du genou ; • postchirurgie d’une hernie inguinale. Vraie ou fausse douleur neurogène ? Les douleurs neurogènes répondent comme on l’a vu à une séméiologie précise. Tout ce qui est décrit comme brûlures, picotements ne correspond pas nécessairement à une douleur neuropathique et se rencontre fréquemment chez les déprimés, par exemple. Une douleur, dont la cotation dans l’échelle DN4 ne dépasse pas 4, n’est pas une douleur neuropathique. Si la douleur ne répond pas à des critères de douleur neuropathique, il ne faut pas la traiter comme telle. Il faut admettre qu’il y a des douleurs médicalement non expliquées. Il faut donc être rigoureux dans l’analyse séméiologique. Faute de l’être, on déçoit beaucoup les malades parce qu’on leur a fait miroiter la possibilité qu’on les soulagerait. Ce d’autant que les douleurs neurogènes ne vont pas se soulager avec le premier traitement venu ! On est en règle amené à essayer une première puis une seconde molécule. Il faut donc s’armer de patience. C’est dire s’il est nécessaire que le médecin soit lui-même convaincu qu’il s’agit bien d’une douleur neurogène pour avoir un pouvoir de conviction important vis-à-vis de son patient. FAUSSES DOULEURS NEUROGÈNES La douleur psychogène : elle est exprimée avec des mots particuliers quipeuvent comprendre le terme de brûlure et s’inscrit dans le cadre de trouble anxieux, de stress post-traumatique, d’hypocondrie. Les douleurs médicalement non-expliquées : elles existent et il faut bien le dire au malade : encore faut-il en être bien convaincu soi-même et ne pas classer le malade dans un mauvais tiroir ! Les douleurs postopératoires non expliquées : mémorisation du phénomène douloureux aigu pendant l’intervention ?
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