Publié le 26 sep 2011Lecture 5 min
Démence et dépression
C. BENOLIEL, Fondation de Rothschild, Paris D’après une communication de T. GALLARDA*, lors des rencontres de Gérontologie Pratique * Hôpital Sainte-Anne, Paris
La déstructuration de l’identité liée à la démence entraîne inévitablement des symptômes dépressifs. Par ailleurs, la dépression ainsi que l’apathie, mais aussi l’anxiété, la personnalité prémorbide ont un impact non négligeable sur l’expression symptomatique, le cours évolutif et les stratégies thérapeutiques dans la maladie d’Alzheimer.
Les débats démence-dépression sont très anciens. Dès la description du cas princeps d’Auguste D., Kraepelin retrouve des idées de persécution, de jalousie, des troubles de l’humeur (anxiété, tristesse, mouvements émotionnels à l’encontre du mari de la patiente). Plus récemment, la place des symptômes non cognitifs, en premier lieu la dépression dans la définition des démences, a fait l’objet de nombreuses publications (1,2). Dans tous les cas, il y a, par définition au cours de la maladie d’Alzheimer (MA), l’installation d’une destructuration de l’identité qui va entraîner des symptômes dépressifs assez caractérisés. Les représentations sociales de la MA (3) Elles sont hautement dépressogènes. • La mort sans cadavre La figure récurrente pour décrire le destin des malades est celle de la mort : non pas la mort physique, mais une mort qui survient alors que le corps est encore en vie. Cette « mort sans cadavre », qualifiée de sociale, de psychique, signifie que le malade disparaît de la scène sociale et de l’humanité avant son décès. • La stigmatisation Elle est liée aux termes « démence », « dépendance », à la notion de comportements déviants ou perturbateurs (HAS). La disqualification sociale peut être très précoce, comme si le diagnostic suffisait à jeter le discrédit sur celui sur qui il est porté. • Le fardeau des aidants (familiaux et institutionnels) Les effets dévastateurs de la MA sur l’entourage sont connus4. • Les opinions générales sur les traitements Il y a un climat actuel de défiance par rapport aux médicaments, largement relayé par les médias. Les liens entre dépression et MA (5) Sont évoqués : - la réaction psychologique à la prise de conscience par le patient de ses déficits cognitifs, ou au décours de l’annonce du diagnostic ; - la récurrence dépressive au cours de la MA (importance de la recherche d’antécédents dépressifs) ; - le rôle des facteurs cérébrovasculaires associés à la MA ; - la progression lésionnelle : les symptômes anxiodépressifs sont repérables très tôt, avant le déficit cognitif (étude PAQUID). En fait, il y a intrication de ces facteurs dans la majorité des cas. Prévalence de la dépression et de la MA Si les taux de prévalence ont pu varier de 0 à 87 %, la majorité des estimations se situe entre 30 et 50 %. Cette variabilité est rapportée à la spécificité des populations étudiées (stade de la MA, formes cliniques de la maladie dépressive, etc.), ainsi qu’aux différents outils utilisés. Une étude récente6 chiffre ce taux à 20,5 % pour des symptômes dépressifs cliniquement significatifs. Ces taux de prévalence sont particulièrement élevés au sein des institutions • Auprès des pensionnaires : - l’entrée en institution : « antichambre de la mort, geriatric park » ; - la vie en institution sollicite des ressources adaptatives pouvant être rapidement débordées (personnalité prémorbide, apathie, etc.). • Auprès des soignants : - les difficultés du quotidien auprès de personnes âgées déficitaires ; - l’insuffisance de formation, d’accompagnement ; - la stigmatisation auprès des autres soignants. Pourquoi identifier la dépression ? Les symptômes dépressifs sont accessibles à des thérapeutiques pharmacologiques et non pharmacologiques. Leur installation au cours de la MA accélère le cours de la maladie (accentuation du déficit cognitif, dégradation de l’état nutritionnel, institutionnalisation plus précoce, etc.). Comment identifier la dépression ? Il n’existe pas de méthode optimale permettant d’identifier les patients MA déprimés. On peut se baser sur : • l’écoute attentive du patient, des familles et des soignants ; • l’observation attentive et prolongée aux stades les plus évolués : - expressions comportementales de la dépression (agitation anxieuse, anorexie majeure, etc.) ; - équivalents dépressifs : syndrome de glissement, etc. ; - refus de soins. Des critères provisoires ont été proposés (7) (encadré). Les instruments d’évaluation sont ceux utilisés sur le plan de la démence (NPI, Cornell), sur le plan psychiatrique (échelles de Hamilton, de Beck et de dépression gériatrique). Facteurs explicatifs de la dépression au cours de la MA On retrouve dans la littérature : - la neurodégénérescence (zones cérébrales préférentiellement atteintes)8 ; - des enjeux génétiques (9) ; - le rôle de l’axe hypothalamohypophyso- surrénalien ; - les études neuropathologiques (10) en PET (11). Traitement de la dépression au cours de la MA Les médicaments de la MA Dans 30 à 40 % des cas, les patients sous anti-Alzheimer reçoivent un antidépresseur, le plus souvent un ISRS. Ces co-prescriptions suscitent des interrogations : - qu’elle est l’influence des anti-Alzheimer sur la consommation de psychotropes ? - que devient l’efficacité des anti-Alzheimer lors de l’administration des psychotropes ? Les techniques de stimulation Citons : - l’électroconvulsivothérapie (dépression très sévère avec régression psychocomportementale) ; - la stimulation magnétique transcrânienne répétée (MA, démences frontales). Les approches non pharmacologiques Des réflexions sont en cours sur les différents types d’approche psychothérapique (thérapie par la réminiscence, psychothérapie psychodynamique, remédiation cognitive). Dans tous les cas, les approches intégratives et l’harmonisation des filières de soins (médecine générale, gériatrie, neurologie, psychiatrie) ne peuvent qu’optimiser la prise en charge des patients.
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