Publié le 20 déc 2010Lecture 4 min
Existe-t-il une préservation spécifique des compétences musicales dans la maladie d’Alzheimer ?
Laurence Hugonot-Diener
Certains patients ayant une maladie d’Alzheimer (MA) montrent un plaisir et une appétence préservés pour le chant et la musique jusqu’à un stade sévère de la maladie ; on sait par ailleurs qu’il existe des liens entre la musique, l’émotion et la mémoire, et qu’il y aurait des capacités de reviviscence de souvenirs via la musique ; ou bien s’agirait-il de bienfaits comportementaux dont il est difficile de prouver l’efficacité clinique ?
Il est important de mieux comprendre l’organisation cérébrale de la fonction musicale pour répondre à ces questions. La perception et la production de la musique impliquent-elles des régions cérébrales spécifiques ? Sont-elles indépendantes du langage ? Regroupées ou distribuées ? L’étude de la littérature internationale donne des résultats en demi-teinte. Certains auteurs ont publié des observations témoignant de la préservation des capacités musicales chez des patients anciennement musiciens. Cependant, les malades présentent par rapport aux témoins, de plus grandes difficultés en ce qui concerne les tâches musicales, en particulier pour les tâches explicites comparativement aux tâches implicites. L’équipe de H. Platel a réalisé 3 études à partir de protocoles différents chez des patients ayant une maladie d’Alzheimer (MA) modérée à sévère (MMS ente 7 et 15), en institution, et sélectionnés pour être totalement déficitaires au niveau des performances en mémoire déclarative. L’émergence d’un sentiment de familiarité a été mesurée, après plusieurs séances d’exposition, en utilisant une échelle comportementale en 6 points. La première étude s’est penchée sur l’émergence du sentiment de familiarité pour des Chansons, des Musiques instrumentales et des Histoires courtes inconnues. Seules les Histoires courtes n’ont pas donné lieu à une augmentation significative du sentiment de familiarité. La seconde étude a comparé l’émergence du sentiment de familiarité pour des Poèmes, des Musiques et des Peintures inconnues. Huit séances d’exposition ont été réalisées. Trois types de musiques, 3 types de poèmes, et 12 peintures différentes, étaient présentées. Les résultats montrent une augmentation des moyennes obtenues à l’échelle d’évaluation du sentiment de familiarité, témoin de l’émergence d’un sentiment de familiarité, mais les poèmes restent en dessous de 3 avec une stagnation des scores dès la séance 6. Les musiques sont mieux reconnues et se différencient des poèmes à la dernière séance. De plus, la séance test à distance (2 mois et demi) montre que seul le niveau de familiarité pour le matériel musical ne chute pas. Les peintures décollent vite, et atteignent presque une moyenne de 3 à l’échelle et continuent d’augmenter. C’est ce matériel qui conduit au sentiment de familiarité le plus important à la dernière séance d’exposition. Dans une 3e étude, l’émergence du sentiment de familiarité a été étudié pour des Chansons anciennes et inventées en distinguant paroles et musique. Les résultats sont aussi bons pour les chansons inventées que pour les chansons anciennes, et pour la mélodie plus que pour les paroles. En particulier, il a été montré que les patients étaient capables d’apprendre des chansons qu’ils ne connaissaient pas en mémorisant la mélodie, mais pas les mots. Des capacités d’apprentissage implicites sous-estimées Ces résultats démontrent des capacités d’apprentissages implicites très rapides chez des patients atteints de MA modérée à sévère (sentiment de familiarité déjà fort à partir de la 4ème séance). L’émergence d’un sentiment de familiarité est objectivé pour des stimuli non verbaux comme la musique, mais pas seulement. En revanche, il faut souligner que le maintien à long terme semble particulièrement bon pour le matériel musical, alors que l’effet est nul pour le matériel verbal. Ces résultats renforcent l’idée d’indépendance neurale entre langage et musique et de spécificités du réseau neural de la musique. Cette équipe poursuit son travail par une exploration en neuroimagerie des bases neurales impliquées dans la musique. Selon H. Platel « Le réseau de la mémoire de la musique est sans doute plus diffus que celui du langage et implique à la fois des régions de l’hémisphère gauche comme pour le langage, mais aussi des régions de l’hémisphère droit. »
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