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Alzheimer et Démences

Publié le 29 oct 2008Lecture 9 min

La démence à corps de Lewy

C. THOMAS-ANTERION, CHU Bellevue, Saint-Étienne
Le diagnostic d’une démence à corps de Lewy (DCL) est un diagnostic clinicopathologique. Il n’est pas rare que les examens post mortem réfutent le diagnostic clinique ou permettent de le poser, alors qu’une autre démence avait été évoquée. Deux questions restent cruciales : les corps de Lewy suffisent-ils à définir une maladie ? la démence à corps de Lewy est-elle une maladie homogène ?
Illustration : le docteur Friedrich Heinrich Lewy Un peu d'histoire La première réunion de consensus établissant les critères du diagnostic date de 1996 (1) : ils mettaient alors en avant, à côté du déclin cognitif, le syndrome parkinsonien, les hallucinations visuelles et les fluctuations. Une première révision a eu lieu en 1998 (2) qui a mis l’accent sur deux autres symptômes : les troubles du sommeil paradoxal et les symptômes dépressifs. La dernière révision de 2005 (3) insiste également sur les aides au diagnostic que sont le DAT scanner et la scintigraphie myocardique. L'amélioration des premiers critères était, en effet, rendue nécessaire du fait de leur faible sensibilité, leur spécificité étant acceptable. Démence à corps de Lewy ou maladie à corps de Lewy ? Les premiers consensus reposaient sur l’idée que la localisation dans le tronc ou le cortex des corps de Lewy était en lien avec deux maladies distinctes (1,2). Les consensus qui ont conduit à définir le concept de « maladie à corps de Lewy » (5) témoignent à l’inverse de l’expression d’une seule maladie englobant la maladie de Parkinson (MP) (localisation dans le tronc), la forme diffuse dans laquelle on observe de très nombreux CDL corticaux, et une forme transitionnelle qui comporte des lésions au niveau du tronc et du cortex cérébral surtout limbique. Les CDL sont en effet fréquemment associés à certaines lésions de la maladie d’Alzheimer. La raison de cette association est mal comprise. Elle pourrait être en rapport avec la combinaison des deux maladies, l’une et l’autre fréquentes. Cependant, la fréquence des CDL dans des cadres particuliers comme la trisomie 21 ou des cas de MA familiale (mutation en préséniline) contredit cette hypothèse de coïncidence (4). Certains auteurs suggèrent que les CDL et les manifestations pathologiques qui les accompagnent ne sont pas spécifiques d’une maladie mais constituent l’une des réactions stéréotypées du cerveau, en réponse à un groupe déterminé d’agressions. Les consensus définissent comme démence à corps de Lewy, les cas où la démence est initiale ou précoce (moins d’un an après le syndrome parkinsonien), avec ou sans lésion d’Alzheimer et avec des CDL dans le cortex. Un certain nombre d’observations laissent penser que la seule localisation des CDL dans le cortex suffit à provoquer une démence. La détérioration intellectuelle est statistiquement liée à la densité des CDL dans l’isocortex. Elle n’est pas influencée par la présence de lésions de MA associées.   LES CORPS DE LEWY     Anatomopathologie La composition et le mécanisme de formation des corps de Lewy (CDL) ne sont qu’imparfaitement connus4. En microscopie électronique, ils apparaissent composés d’un centre dense osmiophile, comportant du matériel vésiculaire et granuleux, et des fibrilles de 8 à 10 nm de diamètre à disposition radiaire à la périphérie. Les anticorps anti-ubiquitines marquent fortement les CDL et leurs prolongements, ainsi que l’alphasynucléine. Ce dernier marquage s’avère assez spécifique et n’est pas retrouvé dans d’autres pathologies dégénératives telles que la maladie de Pick, la dégénérescence corticobasale, la paralysie supranucléaire ou la maladie d’Alzheimer (MA), ce qui conduit à le préconiser (3).     Liens anatomo-cliniques La répartition des CDL et la perte neuronale associée conditionnent les signes cliniques. L’atteinte de la substantia nigra est à l’origine des symptômes moteurs parkinsoniens. L’atteinte du locus coeruleus permet d’expliquer la dépression et les anomalies du sommeil et l’atteinte du noyau dorsal du nerf vague, l’hypotension orthostatique. La localisation des CDL dans le cortex contribue à la détérioration intellectuelle. Les conséquences cliniques des localisations (le plus souvent, intenses) dans le noyau basal de Meynert et l’amygdale temporale sont encore mal connues. Un syndrome démentiel particulier Le diagnostic de DCL repose sur la mise en évidence d’un syndrome démentiel dont le profil « classique » est celui d’un syndrome dysexécutif et de troubles d’attention associés à des troubles visuospatiaux, insidieux et progressifs. Les troubles de mémoire peuvent être à l’arrière-plan et lorsqu’ils existent d’emblée, il est classique d’observer que les patients sont plus performants en rappel différé et profitent davantage de l’indiçage que les patients avec MA (6). Le test de l’horloge est souvent altéré dès le début de la maladie en dessin spontané (trouble visuospatial et planification) mais également en copie (trouble visuoconstructif sévère que ne corrige pas le modèle). On utilise souvent la notion caricaturale que le patient atteint de DCL débutante rappelle assez bien les mots du MMS (Mini Mental State examination) alors qu’il ne copie déjà plus le dessin du MMS. Certains patients ont néanmoins des troubles très proches de ceux des patients avec MA. On peut observer de plus des troubles comportementaux frontaux de type apathie, bradypsychie ou désinhibition qui peuvent induire en erreur quant à un diagnostic de dégénérescence frontotemporale que les troubles visuospatiaux doivent permettre de rejeter. Diagnostic possible ou diagnostic probable ? Critères cardinaux Ils sont au nombre de trois. Il s’agit : – des fluctuations cognitives ; – des hallucinations visuelles récidivantes ; – et du syndrome parkinsonien. L’existence de deux de ces troubles est requise pour un diagnostic probable, la présence d’un seul permettant un diagnostic de DCL possible.     Les fluctuations cognitives Elles sont très caractéristiques de la maladie et sont retrouvées dans 20 à 90 % des cas (7). Elles se traduisent par des fluctuations cognitives (et motrices), avec des variations franches de l’attention et de la vigilance.     Les hallucinations visuelles récidivantes Les hallucinations sont le plus souvent visuelles, mais elles peuvent être plurimodales. En début d’un syndrome démentiel, elles sont très évocatrices et concernent 40 à 75 % des cas. Elles surviennent sans horaire particulier, concernent souvent des animaux ou des enfants et sont peu critiquées (8). Les hallucinations de la MA plus tardives dans l’évolution de la maladie surviennent volontiers en fin de journée ; celles de la MP sont liées à la prise des traitements.     Le syndrome parkinsonien Il s’agit principalement d’une akinésie et d’une hypertonie, volontiers bilatérales. Sa prévalence est évaluée à 60 à 70 % des cas et les symptômes en début de maladie concernent la moitié des malades6. D’autres symptômes ont été décrits. L’instabilité posturale et les chutes chez un sujet bradypsychique peuvent orienter faussement le diagnostic clinique vers celui d’une paralysie supranucléaire. La réponse au traitement dopaminergique est classiquement moins bonne que celle de la MP (9). Critères évocateurs « suggestive features » Il s’agit des troubles du sommeil paradoxal, de l’hypersensibilité aux neuroleptiques ou de la mise évidence d’une dénervation des ganglions de la base en PET ou en SPECT. Un de ces critères « rajoutés » à un critère primaire rend le diagnostic probable ; un seul critère permet un diagnostic possible.     Les troubles du sommeil paradoxal Les troubles du sommeil les plus caractéristiques sont les troubles du sommeil paradoxal qui correspondent à la mise en acte des rêves, devenue possible par la disparition de l’atonie musculaire du sommeil paradoxal6 et se traduisent par des activités nocturnes complexes, souvent spectaculaires avec même des risques d’agression envers soi ou autrui. Ces troubles peuvent précéder le syndrome parkinsonien (10).     L’hypersensibilité aux neuroleptiques Elle traduit la réduction des récepteurs D2 striataux et entraîne outre des manifestations telles qu’une aggravation de la rigidité, des troubles posturaux, la survenue de chutes, un risque accru de la mortalité lors de leur emploi (9). Critères en faveur « supportive features » Ces critères sont souvent présents mais sans spécificité diagnostique et reprennent des symptômes cliniques précédemment connus : les chutes et les syncopes, les pertes de connaissance inexpliquées, une dysautonomie sévère, des hallucinations autres que visuelles, des symptômes psychiatriques tels qu’un délire systématisé ou une dépression (8). Il faut y ajouter des données paracliniques : préservation relative des structures temporales internes en imagerie CT ou IRM, hypométabolisme généralisé en SPECT/PET avec réduction de la perfusion occipitale, scintigraphie myocardique au MIBG anormale, et activité lente prédominante en EEG avec figures paroxystiques temporales transitoires (3). Approche thérapeutique Les symptômes de la DCL résultent de modifications dopaminergiques (les récepteurs D2 et D3 sont effondrés), cholinergiques (réduction de l’acétylcholinestérase, en particulier dans le cortex temporal) et muscariniques (récepteurs réduits dans le striatum). Une amélioration des performances cognitives est rapportée dans différentes études évaluant l’impact des anticholinestérasiques sur la DCL. Cette réponse est toutefois variable. Deux facteurs semblent prédictifs de cet effet : la présence d’hallucinations visuelles11 et le faible déclin cognitif (12). Aucune molécule n’a d’AMM pour le moment. Le pronostic de ces patients repose souvent sur les manifestations psychotiques dont certaines nécessitent parfois le recours aux nouveaux antipsychotiques, avec plus ou moins de succès et quelques effets secondaires9. Les symptômes dépressifs de la DCL n’ont pas fait pour le moment l’objet d’évaluation pharmacologique, mais les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont préconisés, sachant que les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase sont peu efficaces sur la dépression. Gageons que l’amélioration de la sensibilité des critères du diagnostic clinique, combinée aux performances grandissantes des techniques d’imagerie, favorisera sûrement dans un avenir proche des études psycho-pharmacologiques pour définir des schémas thérapeutiques plus clairs.  

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