Publié le 18 déc 2008Lecture 7 min
La stimulation cérébrale profonde en 2008. Ou le "domaine d'extension de la lutte"...
S. CHABARDÈS, CHU Michallon, Grenoble ; Groupe de recherche Inserm « Nanomédecine et Cerveau », Institut des Neurosciences, Grenoble
La stimulation cérébrale profonde est une technique neurochirurgicale permettant le traitement des formes graves de la maladie de Parkinson (MP).
Maladie de Parkinson La stimulation cérébrale profonde est une technique neurochirurgicale permettant le traitement des formes graves de la maladie de Parkinson (MP). Depuis son développement en 1987 par le Pr Benabid à Grenoble, ce sont plus de 40 000 patients qui ont pu être ainsi traités de part le monde. Cette technique consiste à implanter une électrode de stimulation électrique au sein d’une structure cérébrale profonde, comme par exemple le noyau sub-thalamique (STN ou corps de Luys). La stimulation appliquée à haute fréquence produit une inhibition fonctionnelle du STN, permettant ainsi le traitement de l’akinésie, la rigidité et le tremblement, symptômes cardinaux de la MP. Cette technique est maintenant bien maîtrisée, ses effets bénéfiques largement démontrés autorisant une amélioration de 60 % en moyenne d’efficacité, la diminution de la Dopa et/ou des agonistes dopaminergiques chez la majorité des patients, et parfois l’arrêt complet de ces derniers. Des effets secondaires et complications ont été rapportés, souvent transitoires (confusion, hypomanie, dyskinésies), rarement sévères ou irréversibles (3 à 4 % d’hématomes intracrâniens symptomatiques, 5 à 10 % de complications dues au matériel implanté). La stimulation cérébrale profonde (SCP) est reconnue comme le gold standard des thérapeutiques neurochirurgicales antiparkinsoniennes et a rendu obsolètes les techniques classiques de destruction (thalamotomies et pallidotomies, essentiellement). Un autre noyau, la partie motrice du globus pallidus interne (GPi), est également utilisé comme cible dans le traitement de la MP ; son avantage principal étant surtout un moindre degré de complications, notamment cognitives post-opératoires, l’inconvénient majeur étant la nécessité de maintenir le traitement dopaminergique associé, avec une amélioration globale moindre des symptômes cardinaux. Malgré cette révolution thérapeutique, qui a ouvert la voie au traitement neurochirurgical d’autres maladies neurologiques (dystonie, tremblement essentiel) et permis de nouveaux essais cliniques (troubles obsessionnels compulsifs, maladie de Gilles de la Tourette, épilepsies, dépression sévère), il apparaît que certaines formes de MP ne sont pas suffisamment améliorées, notamment les formes associées à des troubles de la marche (« Freezing of Gate ») et de la posture sévères, à l’origine de chutes fréquentes, traumatisantes et, par conséquent, de perte d’autonomie. Ces patients, pourtant bien améliorés au niveau de l’akinésie, de la rigidité et du tremblement, n’ont pas la qualité de vie escomptée du fait de la persistance, voire l’apparition des symptômes axiaux précédemment cités. Récemment, une nouvelle cible a été implantée chez de tels patients parkinsoniens porteurs de troubles de la marche. En effet, il a été montré au cours d’expérimentations animales que l’activation d’une très petite structure, le noyau pédonculopontin (PPN), permettait d’améliorer la marche. Plusieurs essais préliminaires réalisés en Italie, au Canada et en Angleterre ont rapporté des résultats cliniques encourageants. À Grenoble, une étude est en cours sur un groupe de patients précédemment implantés dans le noyau subthalamique et qui ont, malgré cela, développé des troubles de la marche sévère. Du fait de ces difficultés d’accessibilité chirurgicale, cette cible devra être évaluée de façon très précise et objective sur un plus grand nombre de patients avant de pouvoir proposer la stimulation de façon systématique. Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) Si de nouvelles cibles sont actuellement en cours d’évaluation pour améliorer le traitement chirurgical de la MP, de nouvelles pathologies sont parallèlement évaluées comme l’indication potentielle de la stimulation cérébrale profonde (SCP) du noyau subthalamique. Ainsi, une étude est en cours visant à évaluer l’efficacité de la SCP du noyau subthalamique, et plus précisément d’une sousunité « cognitive » de ce noyau comme traitement des formes graves des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). En effet, après la première description de 2 patients souffrant d’une MP et de TOC et qui ont vu une amélioration très significative de ces deux maladies après SCP du STN, un essai multicentrique national a été initié par l’équipe de la Pitié-Salpêtrière à Paris (Luc Mallet). Les résultats encourageants de cette étude devraient paraître avant la fin de l’année 2008. La dépression, l’épilepsie et les algies vasculaires de la face Très récemment, la SCP a été utilisée comme moyen thérapeutique dans le traitement de formes graves de dépression. C’est le cortex cingulaire subgénual qui a été ainsi stimulé, permettant, selon les premières études préliminaires publiées par l’équipe de Dr Mayber et Lozzano à Toronto, d’améliorer environ 60 % des patients d’au moins 50 %. Cette technique a aussi été appliquée, avec des résultats préliminaires similaires chez plusieurs groupes de patients déprimés aux États- Unis, même si la cible était un peu différente, l’électrode étant insérée dans la région du noyau accumbens, noyau de relais des voies associatives et limbiques. L’épilepsie pourrait aussi bénéficier à moyen terme de ces techniques. Cette pathologie, une des plus fréquentes parmi les affections cérébrales, nécessite de nouvelles innovations thérapeutiques, car même si les médicaments antiépileptiques sont de plus en plus efficaces et de mieux en mieux tolérés, il n’en demeure pas moins qu’environ 30 % des patients deviennent pharmacorésistants. Outre, la chirurgie de résection très efficace mais applicable qu’à un certain nombre de patients bien sélectionnés, il y a une place pour des techniques de SCP. Les premiers essais de stimulation, que ce soit de la zone épileptogène comme la stimulation de l’hippocampe, ou bien celles de structures de contrôle des épilepsies comme le thalamus ou les ganglions de la base, sont encore des techniques expérimentales mais qui vont très certainement prouver leur utilité dans les 10 années qui viennent. Enfin, dans le domaine de la douleur et, en particulier, chez des patients porteurs d’algies vasculaires de la face résistant à tout traitement médicamenteux, la stimulation cérébrale profonde de l’hypothalamus postérieur a été rapportée avec succès à la fois par des équipes italiennes et françaises. Tous ces progrès sont dus à la conjonction de plusieurs avancées récentes d’une part, la possibilité d’aller activer ou inhiber des structures cérébrales profondes, sans les léser, et inaccessibles par les techniques chirurgicales classiques ; et, d’autre part, par la démonstration, maintenant bien établie, que ces techniques neurochirurgicales ont une morbidité faible ; enfin, le développement de données d’imagerie fonctionnelle a permis de découvrir les réseaux neuronaux impliqués dans différentes maladies. Cependant, ces avancées ne pourront être applicables chez l’homme en pratique courante qu’après la réalisation d’études sérieuses démontrant un effet bénéfique certain, avec une morbidité acceptable. Le passage par la validation sur les modèles animaux permettra très certainement d’affiner les modes de stimulation, améliorer et comparer les cibles entre elles et, in fine, mieux comprendre ces maladies du cerveau.
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