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Parkinson

Publié le 20 nov 2008Lecture 14 min

Le Parkinson du senior

C. GÉNY, Services de neurologie et de médecine gérontologique,CHU de Montpellier
La maladie de Parkinson est, après la maladie d’Alzheimer, la seconde pathologie neurodégénérative. On considère que 150 000 personnes souffrent de maladie de Parkinson (MP) en France. Cette évaluation ne tient pas compte des syndromes parkinsoniens. Or, il est très fréquent de retrouver des signes parkinsoniens chez le sujet âgé. Cette symptomatologie a été souvent banalisée et ne justifiait pas de prise en charge spécifique. Au cours de la dernière décennie, et à la suite de nombreux travaux de recherche, les connaissances sur ce sujet ont nettement progressé. La démence à corps de Lewy, deuxième cause de démence du sujet âgé, est de mieux en mieux caractérisée. Des critères de démence parkinsonienne ont été définis et on voit poindre de nouveaux concepts comme le Mild Cognitive Impairment Parkinson et les signes légers parkinsoniens du sujet âgé. Toutes ces avancées ont changé notre regard sur ces patients.
De quoi parle-t-on ? Les signes parkinsoniens observés chez le sujet âgé justifient une prise en charge adaptée selon le contexte. En effet,ces symptômes peuvent correspondre à des pathologies variées. La véritable maladie de Parkinson Dans la tranche d’âge 75-85 ans, il peut s’agir de patients souffrant d’une maladie de Parkinson (MP) classique ayant débuté entre 50 et 60 ans. Ces parkinsoniens vieillissants voient leur maladie progresser avec une aggravation des troubles posturaux,cognitifs et de la parole, non sensible à la L-Dopa. Plus rarement,les patients peuvent développer une authentique MP à début tardif avec une symptomatologie cognitive et posturale,et un risque plus faible d’apparition de dyskinésies et de fluctuations motrices.Les études épidémiologiques ont en effet montré que l’incidence de la MP diminue avec l’âge,tandis que celle des syndromes parkinsoniens augmente. À différencier des syndromes parkinsoniens • La survenue de symptômes parkinsoniens chez le sujet âgé doit faire craindre l’existence d’une maladie à corps de Lewy et impose une évaluation cognitive. • Le diagnostic des autres syndromes parkinsoniens dégénératifs (paralysie supranucléaire progressive [PSP];atrophie multisystématisée [AMS],dégénérescence corticobasale [DCB]…) peut être plus difficile.En effet,certains signes cardinaux habituellement repérables (impuissance,paralysie de la verticalité du regard,hypotension orthostatique,troubles cognitifs…) sont banalisés chez le sujet âgé et perdent ainsi leur valeur. • Le diagnostic de Parkinson vasculaire pose encore, pour sa part,des problèmes nosologiques et de prise en charge.Par ailleurs,il existe d’authentiques syndromes parkinsoniens médicamenteux liés à la prise de neuroleptiques cachés. • Enfin,des travaux récents ont montré que les signes parkinsoniens légers fréquemment rencontrés chez le sujet âgé sont un facteur prédictif de démence et ne doivent pas être attribués à une MP. De rares travaux neuropathologiques ont suggéré que ces signes peuvent être en rapport avec la présence de dégénérescence neurofibrillaire dans la substance noire. Aspects cliniques spécifiques La forte prévalence des signes parkinsoniens chez le sujet âgé contraste avec le sous-diagnostic actuel,en institution notamment. Il faut savoir rechercher des signes parkinsoniens devant toute limitation de la marche et des chutes.L’interrogatoire ne se limite pas aux aspects moteurs,mais apprécie également la présence de troubles cognitifs,hallucinatoires,de troubles du comportement,du sommeil paradoxal,ainsi que l’existence d’une dépression,d’une apathie ou de troubles sphinctériens… Les troubles moteurs au peigne fin La triade classique de la MP doit être recherchée, mais il existe de nombreuses sources de confusion. La rigidité parkinsonienne peut être confondue avec une rigidité oppositionnelle frontale et la bradykinésie avec une pathologie rhumatismale. Il est donc essentiel de se donner le temps d’une évaluation rigoureuse et complète des patients. • La bradykinésie,symptôme clé du syndrome parkinsonien,se manifeste par une amimie,une marche à petits pas, lente et à base étroite. Elle doit être recherchée par les manoeuvres spécifiques.On demande au patient de réaliser des mouvements répétitifs amples au début, puis à vitesse rapide (ouverture/fermeture de la pince pouce-index,ouverture/fermeture des mains et marionnettes, frapper le sol avec la plante des pieds…).On recherche un ralentissement, puis des irrégularités dans l’amplitude et le rythme.La diminution progressive de l’amplitude est moins nette que dans la MP des sujets plus jeunes. Des enrayages ou des perturbations de la séquence motrice doivent faire évoquer un trouble de la programmation en rapport avec un trouble dysexécutif. • Un tremblement postural peut se voir dans d’authentiques syndromes parkinsoniens,alors que le tremblement de repos caractéristique reste pathognomonique. • La rigidité distale peut apparaître avec la manoeuvre de Froment et ne doit pas être confondue avec une hypertonie oppositionnelle qui va finir par céder. • L’évaluation de la locomotion et de l’instabilité posturale est un temps majeur de l’évaluation clinique.Il faut savoir distinguer la marche précautionneuse du sujet âgé,améliorée par un faible soutien,d’une marche parkinsonienne initialement à petits pas et pouvant augmenter la cadence,ou encore d’une marche à base élargie plus en faveur d’un syndrome parkinsonien. • Les difficultés au lever,un enrayage au demi-tour,un freezing et une mauvaise réaction à la poussée postérieure sont à repérer,car ils sont prédictifs de chute. Les fonctions cognitives à la loupe L’évaluation des fonctions cognitives est devenue un temps essentiel de la consultation du sujet âgé. Celle-ci a plusieurs objectifs : dépistage des troubles cognitifs, recherche de troubles praxiques et visuo-spatiaux et évaluation de la sévérité de ladémence. Ainsi, le Mini Mental State (MMS) est perturbé assez tardivement et ne permet pas de dépister la démence.Une évaluation des fonctions exécutives grâce à la Batterie rapide d’efficience frontale et la mise en évidence de troubles visuo-spatiaux, avec la réalisation des pentagones et du test de l’horloge,permettent d’identifier des troubles cognitifs débutants. La Movement Disorders Society a établi en 2007 des critères diagnostiques de démence et des recommandations concernant les tests neuropsychologiques (encadré).   Critères diagnostiques de la démence parkinsonienne. 1. Diagnostic de maladie de Parkinson (Critères du Queen Square Brain Bank). 2. MP apparue avant le syndrome démentiel. 3. MMS < 26. 4. Troubles cognitifs retentissant sur la vie quotidienne (Caregiver Interview,Pill questionnaire). 5. Perturbation d’au moins 2 subtests suivants : récitation des mois à l’envers ou soustraction de 7 ; fluence lexicale ou test de l’horloge ; pentagones du MMS; rappel des 3 mots. Signes en faveur : apathie,hallucinations, somnolence. Signes en défaveur : dépression,délire.   Au terme de l’interrogatoire et de l’évaluation clinique, il est facile de conclure à des signes parkinsoniens légers et de faire la part entre une démence parkinsonienne et une démence à corps de Lewy où les troubles cognitifs surviennent dans l’année suivant le diagnostic de syndrome parkinsonien. Le diagnostic de Parkinson vasculaire reste encore délicat mais n’a que peu de conséquences sur le traitement dopaminergique. Apport des examens paracliniques Classiquement,le diagnostic des syndromes parkinsoniens est clinique. Chez le sujet âgé,l’évaluation clinique rigoureuse est essentielle.Toutefois, dans de nombreuses situations, certains examens complémentaires sont utiles pour éliminer certaines lésions focales ou rechercher des signes témoignant d’atrophie focale. Le scanner ne suffit pas Il ne faut pas se contenter d’un scanner cérébral car de nombreuses lésions vasculaires des noyaux gris centraux et de la substance blanche ne sont pas visibles avec cet examen. L’IRM peut en effet montrer des lésions striatales stratégiques (à ne pas confondre avec la dilatation des espaces de Virchow-Robin) ou parastriatales, pouvant orienter vers un Parkinson vasculaire.Cet examen peut aussi montrer des signes d’atrophie focale putaminale,cérébelleuse,des pédoncules cérébelleux moyens, signes inconstants mais évocateurs d’une AMS ou des signes d’atrophie mésencéphalique (signe du colibri) évocatrice d’une PSP.Une dilatation des ventricules associée à un respectdes sillons corticaux doit faire éliminer une hydrocéphalie à pression normale devant un tableau clinique associant un Parkinson des membres inférieurs à un ralentissement idéatoire. En cas de doute : le DaTScan Le DaTScan est un examen permettant d’apprécier l’intégrité fonctionnelle du striatum.En effet,ce marqueur isotopique du transporteur de la dopamine se fixe sur les terminaisons présynaptiques. Il est tentant de le prescrire, mais il faut se rappeler qu’il n’a généralement aucun intérêt en cas de syndrome parkinsonien manifeste.Il est utile en cas de tremblement mixte lorsqu’un tremblement essentiel est suspecté, ou parfois en cas de syndrome parkinsonien médicamenteux. Plus rarement,en cas de syndrome parkinsonien frustre, une diminution importante de la fixation striatale peut orienter vers un syndrome parkinsonien comme la démence à corps de Lewy ou une PSP. Quelle prise en charge ? La réponse aux traitements dopaminergiques est variable chez le sujet âgé. La L-Dopa en première ligne Il est recommandé de privilégier un traitement par la L-Dopa,car les agonistes dopaminergiques sont plus enclins à déclencher ou à révéler des troubles psychocomportementaux hallucinatoires ou délirants.En outre, le risque de provoquer des dyskinésies est moins important chez le sujet âgé. La bradykinésie et la rigidité étant souvent discrètes, il est nécessaire pour apprécier l’efficacité du traitement de quantifier au cours de la consultation certains aspects moteurs comme le lever du fauteuil et la vitesse de marche,mais aussi le handicap locomoteur à domicile.Il n’existe pas de recommandations sur les doses à utiliser mais, trop souvent, les patients restent à de faibles doses (150 mg de L-Dopa). Dans notre pratique,nous réévaluons les patients après un mois de dopathérapie à 300 mg/j.Il ne faut pas hésiter ensuite à augmenter les doses malgré une réticence liée à la réputation hypotensive et hallucinatoire de ce traitement qui est exagérée. Chez un patient parkinsonien vieillissant,le traitement a souvent été diminué pour de bonnes et de mauvaises raisons entraînant une aggravation motrice préjudiciable.La simplification thérapeutique doit être la règle chez ces patients vivant en institution et souffrant de comorbidités. Dans ce contexte, la L-Dopa est la molécule cardinale du traitement. La question des agonistes dopaminergiques Chez les sujets âgés,la place des agonistes dopaminergiques est, le plus souvent,limitée au traitement du syndrome de jambes sans repos.L’efficacité des petites doses d’agonistes souvent prescrites à cet âge reste incertaine et il est habituel que ces médicaments soient les premières victimes de la simplification thérapeutique. Améliorer la motricité chez ces patients passe aussi par une éducation des proches pour expliquer le freezing et insister sur la nécessité d’une marche quotidienne sans se contenter d’une kinésithérapie superficielle. L’apathie souvent présente étant un facteur de réduction de la locomotion,il est nécessaire d’insister sur ce point.Les traitements des pathologies orthopédiques,douloureuses, podologiques et de l’intolérance à l’effort sont des éléments essentiels de l’amélioration locomotrice. En cas de troubles psychocomportementaux   Les hallucinations Les troubles psycho-comportemantaux sont fréquents et,parmi eux,les manifestations hallucinatoires sont certainement les plus gênantes. Le sentiment de « présence » ou de « visions d’ombres » est particulièrement fréquent. Il n’impose pas de modification thérapeutique mais limite souvent les ambitions dopaminergiques. Tous les auteurs s’accordent pour restreindre l’usage des neuroleptiques. En cas d’hallucinations spécifiques, il faut cependant réagir rapidement afin d’éviter une décompensation bruyante des conditions de vie.Il est nécessaire,dans un premier temps,de diminuer ou d’arrêter les médicaments prohallucinatoires (amantadine,agonistes dopaminergiques...) et de prévoir une consultation ophtalmologique.   La démence En cas de démence associée non diagnostiquée, la rivastigmine doit être introduite.La clozapine est le neuroleptique recommandé,mais sa surveillance hématologique hebdomadaire, ses propriétés hypotensives et anticholinergiques freinent sa prescription. Dans ce contexte, la rispéridone est une option souvent utilisée. Il est cependant nécessaire de se rappeler que des doses supérieures à 1mg peuvent entraîner une aggravation sévère des symptômes parkinsoniens,d’où la nécessité d’une surveillance rapprochée notamment en institution. Une aggravation sévère de la motricité sous neuroleptiques reste évocatrice de démence à corps de Lewy.   La dépression La symptomatologie dépressive est très fréquente chez les patients parkinsoniens, mais l’apathie peut être confondue avec un syndrome dépressif.Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine ont peu d’utilité dans ce contexte.   Les troubles du sommeil L’identification et le traitement des troubles du sommeil sont une étape essentielle de la consultation du Parkinson. En effet,le clonazépam à faibles doses est très efficace sur les troubles du comportement du sommeil paradoxal. De petites doses d’agonistes dopaminergiques améliorent un grand nombre de patients ayant un syndrome des jambes sans repos.La somnolence diurne doit faire évoquer un syndrome d’apnée du sommeil,en sachant que l’observance de la ventilation spontanée en pression positive continue (CPAP) est faible chez le sujet âgé présentant des troubles cognitifs. Sans oublier les comorbidités Les patients âgés parkinsoniens sont particulièrement vulnérables aux comorbidités.Ils doivent ainsi bénéficier d’une évaluation gériatrique standardisée,voire d’une évaluation multidisciplinaire en hôpital de jour pour éviter d’attribuer à tort un problème somatique à la maladie parkinsonienne. Le risque de tassement vertébral ou de fracture du col de fémur est réel chez les patients parkinsoniens car ils ont souvent une ostéopénie. Plusieurs études ont montré, dans ce groupe de population,des taux sériques de vitamine D et une densité minérale osseuse (DMO) faibles,avec un risque accru de fractures.La prévalence augmente avec la sévérité de la maladie.Il est ainsi fréquent de voir des patients parkinsoniens avec de multiples tassements vertébraux et fractures. Un essai thérapeutique avait déjà démontré l’intérêt de l’alendronate dans la prévention des fractures de la hanche chez les femmes atteintes de la MP.Des travaux récents ont montré que les bisphosphonates pouvaient également diminuer le risque fracturaire chez les hommes.Dans une étude,un traitement par risédronate associé à la vitamine D2 (ou ergocalciférol) a permis d’améliorer la densité osseuse et de diminuer le risque de fracture de la hanche chez les patients parkinsoniens. Les troubles sphinctériens par leur retentissement sur la qualité du sommeil, la constipation et les douleurs doivent bénéficier d’une prise en charge diagnostique et thérapeutique optimisée.Enfin,l’épuisement de l’aidant est fréquent dans l’entourage du parkinsonien.Un suivi régulier,une optimisation des aides à domicile,des hospitalisations de « répit » ou des séjours en centre de rééducation diminuent la charge liée à cette pathologie. Les nouveaux concepts Il est banal d’observer des signes parkinsoniens discrets chez les patients âgés.En fait,ces anomalies sont rarement le fait d’une MP.E.D.Louis et D.A. Bennet ont proposé récemment de créer une nouvelle entité syndromique nommée « Mild Parkinsonian Signs ». Certains proposent d’inclure dans ce cadre tous les sujets ayant un score supérieur ou égal à 1 à au moins 2 items de l’échelle de référence UPDRS,alors que d’autres pensent qu’il ne faut retenir que les scores ≥ 2.Selon les critères retenus,la prévalence de ce syndrome varie alors de 40,1 à 27,4 % ! La signification pronostique des signes parkinsoniens légers (SPL) commence à être précisée. Ils sont plus fréquents chez les patients MCI, représentent un facteur de risque d’évolution vers un syndrome démentiel et sont associés à une plus forte mortalité. Dans l’étude WHICAP, 25 % des patients avec des SPL ont développé une MA dans les 5 années qui ont suivi. Le risque de progression vers une authentique MP est relativement faible:l’incidence de la MP est en effet de 2,5 pour mille chez les 75-80 ans, alors que la prévalence des SPL est de 15 %.Les quelques études neuropathologiques réalisées ont montré que ces symptômes sont rarement associés aux anomalies type MP.Par contre, des lésions vasculaires striatales sont fréquemment retrouvées, ainsi que des lésions type MA dans la substance noire. Après avoir été délaissée, la MP du sujet âgé fait actuellement l’objet de nombreux travaux.La collaboration entre neurologues et gériatres s’avère très prometteuse dans ce domaine et laisse espérer une optimisation de la prise en charge de ces patients. l

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