Publié le 05 jan 2011Lecture 8 min
Le point sur les démences vasculaires
M.-A. MACKOWIAK, Hôpital Roger Salengro, CHRU, Lille
Les démences vasculaires (DV) représentent la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer (MA) dans les pays occidentaux (entre 15 et 20 % des démences). Leur prévalence, qui augmente avec l’âge, est estimée à 1,6 % des sujets de plus de 65 ans, soit 3 fois moins que la MA1.
Le diagnostic des DV est difficile, d’une part, par la diversité des lésions potentiellement responsables des troubles cognitifs et, d’autre part, par leur association fréquente à la MA.
Facteurs de risque des démences vasculaires Les facteurs de risque des démences vasculaires sont ceux des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Il est donc primordial de les dépister, et principalement l’hypertension artérielle (HTA), de manière à optimiser leur prise en charge et diminuer le risque de survenue de troubles cognitifs d’origine vasculaire. L’HTA contribue au risque de développer des troubles cognitifs (2), et il a montré que le contrôle de la TA permet une réduction de la mortalité, des événements vasculaires (AVC, IDM), mais également des troubles cognitifs. À l’inverse, une élévation de la TA diastolique et/ou systolique à un âge moyen de la vie serait prédicteur de la survenue de lésions de la substance blanche, avec un retentissement sur les performances cognitives. Le diabète est également responsable de modifications macro- et microvasculaires, de perturbations de la régulation glucidique et du métabolisme lipidique, qui contribuent à la formation de lésions ischémiques et à la survenue de troubles cognitifs. Tableau 1. Critères du National Institute of Neurological Disorders and Stroke et de l’Association internationale pour la recherche et l’enseignement en neurosciences (NINDS-AIREN). Les autres facteurs de risques reconnus sont l’hypercholestérolémie, le tabac, l’hyperhomocystéinémie, les pathologies cardiaques thrombo-emboliques, l’alcool et les anomalies de la coagulation. Diagnostic Les critères diagnostiques de DV reposent sur un syndrome démentiel (défini par des troubles cognitifs suffisamment sévères pour retentir sur les activités de la vie quotidienne) associé à une pathologie cérébro-vasculaire (anomalies de l’examen neurologique clinique et/ou sa mise en évidence par des examens paracliniques), jugée étiologiquement liée à la démence. Les critères du NINDSAIREN (3) insistent sur le lien temporel entre pathologie cérebro-vasculaire et syndrome démentiel pour établir le diagnostic de DV probable (tableau 1). Néanmoins, tous ces critères sont établis sur le modèle de la MA avec le trouble prédominant de la mémoire, et ne tiennent pas compte de la complexité des DV qui résultent d’étiologies variées (infarctus dans des régions stratégiques, lipohyalinose, leucoaraïose, hémorragies, etc.). De plus, aucun d’entre eux ne peut formellement éliminer une MA associée aux lésions vasculaires. Le terme de « troubles cognitifs d’origine vasculaire » (4) a donc été proposé et constitue un concept clinique hétérogène correspondant à l’ensemble des situations cliniques et étiopathogéniques des troubles cognitifs d’origine vasculaire (tableau 2). Il regroupe les démences vasculaires proprement dites, distinguées en fonction de leurs étiologies, les troubles cognitifs d’origine vasculaire sans démence, et les démences mixtes (à la fois vasculaires et dégénératives). On estime la prévalence des troubles cognitifs d’origine vasculaire à 5 % chez les sujets de plus de 65 ans (5). Diagnostic clinique La démence vasculaire est classiquement caractérisée par une progression des troubles cognitifs en marche d’escalier, une évolution fluctuante, et la présence de signes et de symptômes focaux (troubles de la marche et de l’équilibre, syndrome parkinsonien, troubles sphinctériens, dysarthrie, troubles de la déglutition, déficit moteur ou sensitif unilatéral, exagération des réflexes ostéo-tendineux, signe de Babinski, etc.) (6). Mais un déclin progressif est possible, surtout dans les formes sous-corticales ischémiques (lacunes et anomalies de la substance blanche). Il est également rapporté de manière fréquente des modifications comportementales ou des troubles de l’humeur (apathie, baisse d’intérêt, irritabilité, symptômes dépressifs). Il est possible d’observer des hallucinations et des idées délirantes. Données neuropsychologiques Le profil neuropsychologique dépend de la localisation et de l’étendue des lésions vasculaires. On observe habituellement un profil de type sous-corticofrontal avec une atteinte plus marquée des fonctions exécutives et attentionnelles, et des troubles de la mémoire affectant principalement les processus de récupération de l’information, avec un indiçage efficace et une reconnaissance préservée. Différentes formes anatomo-cliniques • Démences par infarctus multiples : elles sont caractérisées par la présence d’infarctus corticaux et sous-corticaux multiples. Les signes cliniques sont en rapport avec la localisation des infarctus. • Démences par infarctus stratégique(s) : les troubles cognitifs sont secondaires à des lésions de petite taille, situées au niveau de zones fonctionnelles comprenant des circuits neuronaux impliqués dans les fonctions cognitives (thalamus, noyau caudé, lobe temporal médial, gyrus cingulaire, etc.). Figure 2. Scanner d’une hémorragie cérébrale : hyperdensité spontanée hémisphérique gauche avec inondation ventriculaire. • Démences vasculaires sous corticales ischémiques : ce sont les plus fréquentes (36-67 % des études cliniques). Elles associent des lacunes (lésions ischémiques de petite taille, inférieures à 15 mm), et des lésions focales ou diffuses de la substance blanche périventriculaire et/ou souscorticales, hypodenses sur le scanner et hyperintenses en IRM sur les séquences pondérées en T2 et Flair (figure 1/illustration). Ces lésions de la substance blanche sont décrites sous le terme radiologique de leucoaraïose. Les facteurs de risque des démences sous-corticales ischémiques sont l’âge, l’hypertension artérielle et le diabète. • Démences hémorragiques : elles sont la conséquence d’hématomes cérébraux, le plus souvent corticaux et récidivants (figure 2). Les principales étiologies de ces lésions hémorragiques sont l’angiopathie amyloïde et l’HTA. • Démences post-AVC : plus d’un tiers des patients seront déments dans les suites d’un AVC. Les démences post-AVC peuvent être soit la conséquence directe des lésions vasculaires, soit liées à une maladie d’Alzheimer (pour un tiers d’entre elles), dont la phase présymptomatique serait anticipée par la survenue de lésions vasculaires6. • Démences mixtes : elles correspondent à l’association d’une démence dégénérative, généralement une maladie d’Alzheimer, et de lésions vasculaires jugées étiologiquement liées à la démence. Examens complémentaires Imagerie morphologique L’examen de choix est l’IRM encéphalique avec des séquences pondérées en T1, T2 et Flair qui permettent de visualiser des lésions de petites tailles, pas toujours visibles sur le scanner cérébral. Des séquences supplémentaires en écho de gradient (T2*) sont également nécessaires pour apprécier les zones de microhémorragies (microbleeds, figure 3), témoins de la sévérité de la microangiopathie. Les séquences de perfusion/ diffusion permettent de diagnostiquer les nouvelles lésions vasculaires si l’IRM est réalisée après la survenue d’un nouvel événement cérébro- vasculaire ou une aggravation brutale des troubles cognitifs. Figure 3. IRM encéphalique (séquence pondérée en écho de gradient T2) d’une patiente hospitalisée pour un hématome intracérébral capsulo-thalamique droit. Les micro-hémorragies (microbleeds) sont désignées par des flèches. Autres examens complémentaires La découverte de lésions vasculaires sur l’IRM encéphalique (parfois fortuite dans le cadre du bilan des troubles cognitifs chez un patient sans facteur de risque vasculaire connu) doit amener à la réalisation d’examens complémentaires visant à rechercher la cause de la pathologie cérébro-vasculaire (bilan lipidique et glucidique, ECG, écho-Doppler des vaisseaux cervicaux, monitoring ambulatoire de la pression artérielle, etc.). Traitement Aucun traitement, en dehors du traitement préventif, par le contrôle des facteurs de risque vasculaires, n’est validé dans les démences vasculaires. Les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé sur le diagnostic et la prise en charge de la MA et maladies apparentées (mars 2008) insistent sur le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires, en particulier HTA, diabète et dyslipidémie. De nombreuses molécules ont été évaluées dans les démences vasculaires (7), mais aucune n’a obtenu son AMM en France dans cette indication. • Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (donépézil, galantamine, rivastigmine) ont montré une efficacité modeste, principalement sur les fonctions cognitives, mais le bénéfice a été jugé insuffisant. • La mémantine a fait l’objet de deux grandes études multicentriques, mais dont les bénéfices ne sont pas suffisants, même s’il était également noté une amélioration sur les fonctions cognitives comparativement au placebo. • D’autres molécules ont montré des résultats intéressants (comme la nimodipine) qui restent à confirmer. En pratique La prévention primaire reste indispensable avec une prise en charge optimale des facteurs de risque vasculaires, et en particulier de l’HTA, principal facteur de risque des démences vasculaires, sous-corticales ischémiques et hémorragiques. Le diagnostic précoce des troubles cognitifs non démentiels d’origine vasculaire deviendra probablement l’un des enjeux thérapeutiques des années futures.
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