Publié le 29 juil 2010Lecture 7 min
Les méningites nosocomiales
C. DUPIN, Montréal
Les méningites nosocomiales ont une épidémiologie et une clinique très spécifiques, bien différentes de celles des méningites communautaires. Leur prévention et leur prise en charge ont également des particularités essentielles à connaître.
Épidémiologie : les procédures invasives, facteurs de risque principaux Parmi les méningites acquises à l’hôpital, on distingue celles qui compliquent une procédure invasive (neurochirurgie, cathéters ventriculaires…) ou un traumatisme crânien et celles, plus rares, qui surviennent lors de la dissémination hématogène d’une infection nosocomiale autre que neuroméningée (qui ne seront pas abordées ici). Les dispositifs de dérivation ventriculaire interne (shunts) Fréquemment point de départ d’infections neuro-méningées, les shunts ont une incidence allant de 4 à 17 % selon les séries. La majorité survient dans le mois suivant la mise en place du cathéter, ce qui laisse supposer que la colonisation du matériel est, la plupart du temps, per-opératoire. Le port de deux paires de gants lors de la mise en place du shunt ou le changement de gant avant de saisir le matériel semblent de bons moyens de diminuer leur fréquence. Les dispositifs de dérivation ventriculaire externe Largement utilisés en réanimation neurochirurgicale (par exemple pour la surveillance de la pression intracrânienne), les dispositifs de dérivation ventriculaire externe se compliquent d’infection dans environ 8 % des cas. Les craniotomies Elles peuvent se compliquer de méningites dans 0,8 à 1,5 % des cas. Parmi ces infections, environ un tiers surviennent durant la 1re semaine suivant l’intervention, un tiers durant la 2e semaine, et un tiers après la 2e semaine (et jusqu’à plusieurs années après l’intervention). Les principaux facteurs de risque semblent être la fuite de liquide céphalorachidien (LCR), une infection du site d’incision et une durée d’intervention excédant 4 heures. Les cathéters de drainage lombaire externe (utilisés notamment pour le diagnostic d’hydrocéphalie à pression normale) sont associés à un taux de méningites nosocomiales de 5 %. Les ponctions lombaires (PL) se compliquent beaucoup plus rarement de méningites (1 cas sur 50 000). Les traumatismes crâniens peuvent être à l’origine de méningites acquises à l’hôpital dans 1,4 % des cas. On doit ici distinguer les traumatismes ouverts et fermés : – les fractures ouvertes multiples du crâne, qui représentent 5 % des traumatismes crâniens, sont associées à des taux élevés d’infections, allant de 2 à 11 % ; – la plupart des complications infectieuses des traumatismes fermés du crâne correspondent à des fractures de la base (qui sont compliquées d’infection dans 25 % des cas) au cours desquelles une brèche ostéoméningée expose les méninges à la colonisation par des bactéries de la flore bactérienne du naso-pharynx. Des bactéries différentes pour des situations cliniques diverses La neurochirurgie et les traumatismes crâniens sont le plus souvent associés à des infections au Staphylococcus aureus ainsi qu’à des bacilles Gram négatifs (dont Pseudomonas aeruginosa). Les corps étrangers (valves de dérivation par exemple) sont colonisés par des bactéries de la flore cutanée : staphylocoques à coagulase négative (dont Staphylococcus epidermidis) et Propionibacterium acnes. Les fractures de la base du crâne et les interventions de chirurgie otorhinologique sont associées à des infections par les bactéries de la flore naso-pharyngée telles que Streptococcus pneumoniae. Un diagnostic parfois délicat Une méningite nosocomiale doit être évoquée dans les suites d’une intervention neurochirurgicale ou d’une procédure invasive sur les ventricules lorsque surviennent de la fièvre et des troubles de conscience. Mais, bien entendu, l’état du patient après une telle intervention ainsi que son éventuelle sédation sont des éléments qui rendent la reconnaissance de tels signes difficile. De plus, il faut savoir que dans le cas des infections associées à des dérivations ventriculaires, des signes d’irritation méningée ne sont présents que dans moins de 50 % des cas. Imagerie Le scanner cérébral, en plus de l’apport d’éléments diagnostiques (tels que la localisation d’une fuite de LCR), pourra éliminer la présence d’une masse expansive (hémorragie, ou abcès par exemple) avant la réalisation de la PL. Ponction lombaire Elle est nécessaire en dehors des cas où le LCR peut être également obtenu par l’intermédiaire du dispositif de dérivation. Il faut noter que chez les patients atteints d’hydrocéphalie obstructive, une infection ventriculaire pourrait ne pas être diagnostiquée par l’analyse du LCR obtenu par la PL, du fait de l’absence de communication entre les ventricules et le liquide recueilli au niveau lombaire. ● Les cultures permettent de préciser le germe en cause, mais peuvent requérir plusieurs jours d’incubation. La culture peut être négative en cas d’antibiothérapie préalable. ● L’étude de la cellularité du LCR a une faible sensibilité et une spécificité réduite dans ce contexte. L’analyse de la numération cellulaire est particulièrement problématique après une hémorragie ventriculaire. – Le dosage du lactate dans le LCR, avec un seuil de 4 mmol/l, aurait, quant à lui, une sensibilité de 88 % et une spécificité de 98 %. ● La PCR à la recherche du génome bactérien aurait une excellente valeur prédictive négative, mais des études supplémentaires sont requises avant la recommandation de son utilisation en routine en raison du risque de faux positifs liés à des contaminations. La CRP et la procalcitonine apportent des arguments supplémentaires pour une infection mais ne sont bien sûr pas spécifiques. Une antibiothérapie intraventriculaire parfois nécessaire Nous n’aborderons pas ici les traitements antibiotiques prophylactiques qui sont la règle avant toute neurochirurgie. ● Une antibiothérapie probabiliste est recommandée chez tous les patients présentant des signes de méningite dans les suites d’une procédure invasive concernant les méninges, et devra être reconsidérée à la 72e heure en fonction de l’évolution et des résultats des cultures. Le choix du traitement doit être guidé par le type d’intervention et la flore bactérienne qu’il implique. L’administration d’une antibiothérapie préalable doit également être considérée eu égard au risque de résistance. ● Dans les cas les plus fréquents, en première intention, il est recommandé d’associer une bêta-lactamine (céfépime, ceftazidime ou méropénem) à la vancomycine (ou à la fosfomycine). Dans les cas où un germe de la flore bactérienne du naso-pharynx est suspecté, la bêta-lactamine pourra être une céphalosporine de 3e génération. ● Cette antibiothérapie systémique probabiliste devra bien sûr être adaptée en fonction des données des cultures et de l’antibiogramme. L’injection ventriculaire directe d’antibiotiques à l’aide d’un cathéter est parfois requise lorsque l’infection est difficile à éradiquer avec une antibiothérapie générale. Les indications précises de cette voie d’administration, ainsi que les doses à préconiser, sont l’objet de discussions. On considère que la concentration d’antibiotique (le plus souvent gentamicine ou vancomycine) obtenue dans le LCR doit être de 10 à 20 fois supérieure à la concentration minimale inhibitrice. Retirer les corps étrangers Dans les méningites nosocomiales associées à un corps étranger (tel qu’un dispositif de dérivation ventriculaire par exemple), il convient de le retirer. Chez les patients porteurs d’une valve de dérivation ventriculaire interne, le dispositif devra être remplacé temporairement par un dispositif externe. Le délai avant réimplantation de la valve de dérivation ventriculaire interne n’est pas clairement défini. Il dépend en partie de la bactérie en cause (plus court pour un staphylocoque coagulase négatif ou un P. acnes que pour un staphylocoque doré ou un bacille Gram négatif). Il faut pour conclure insister sur les mesures prophylactiques pré-, per- et post-procédure qui permettent de diminuer sensiblement la fréquence de ces méningites nosocomiales. Sans être exhaustif, ces mesures vont de la désinfection de la peau, au port de deux paires de gants et à l’utilisation de champs adhésifs en passant par le positionnement correct des cathéters ventriculaires, une qualité technique parfaite de l’intervention, un drainage rigoureux et une antibiothérapie prophylactique avant tout geste chirurgical.
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