Publié le 23 fév 2009Lecture 7 min
Une tuméfaction frontale
L’histoire est celle d’une femme de 53 ans, sans antécédents notables, qui a noté, 2 ans auparavant, l’apparition d’une tuméfaction frontale droite. L’évolution a été très progressive, mais depuis 6 mois la patiente signale une augmentation rapide de la taille de la tuméfaction qui est frontale droite, médiane, et dure de consistance.
Figure 1. Radiographie standard de profil montrant une hyperostose frontale antérieure. Figure 2. Coupe scannographique axiale passant par les sinus frontaux, et montrant l’hyperostose frontale antérieure droite. Figure 3. Autre coupe scannographique axiale passant par l’hyperostose. Figure 4. Coupe scannographique montrant l’hyperostose et l’extension antérieure responsable de la tuméfaction clinique. Il n’y a pas de douleurs associées, et notamment pas de céphalées, ni d’anomalie cutanée en regard. L’examen clinique est, par ailleurs, sans particularités. Les explorations biologiques, notamment le bilan phospho-calcique, sont sans anomalie. La radiographie standard et le scanner montrent une hyperostose avec condensation et épaississement de l’os frontal (figures 1 à 5). La reconstruction scannographique 3D met en évidence la tuméfaction osseuse frontale (figures 6 à 8). Figure 5. Agrandissement de l’hyperostose montrant son caractère homogène. Figure 6. Reconstruction 3D montrant l’emplacement de la tuméfaction. Figure 7. Reconstruction 3D de profil de l’hyperostose. Figure 8. Reconstruction 3D oblique. Quel est votre diagnostic ? L’IRM montre un méningiome en plaque en regard de l’hyperostose frontale, rehaussé après injection de gadolinium (figures 9 à 12). Le diagnostic retenu est celui d’un méningiome en plaque. Figure 9. IRM T1 coupe axiale montrant le méningiome en plaque en isosignal. Figure 10. IRM T2 coupe axiale montrant un léger hypersignal du méningiome. Figure 11. IRM T1 Gado coupe axiale montrant la prise de contraste méningée (flèche) correspondant au méningiome en plaque, à la face interne de l’hyperostose. Figure 12. IRM T1 Gado coupe sagittale montrant la prise de contraste de la dure-mère. Commentaires Le méningiome est la tumeur intracrânienne non gliale la plus fréquente et représente 15 à 20 % des tumeurs intracrâniennes. Il prend origine dans les cellules arachnoïdiennes, et touche plus fréquemment la femme que l’homme, essentiellement entre la 4e et la 6e décennie. La tumeur est bénigne, et son évolution lente. La plupart des méningiomes forment une masse arrondie intracrânienne implantée sur la dure-mère de la convexité, des faux ou de la tente du cervelet. Le méningiome en plaque accolé à la dure-mère est beaucoup plus rare : il représente environ 2,5 % de l’ensemble des méningiomes. Sa localisation la plus fréquente est à la convexité de la grande aile du sphénoïde et à la région sphéno-orbitaire. La localisation pétreuse est beaucoup plus rare et de prise en charge plus difficile. L’hyperostose associée au méningiome en plaque est disproportionnée par rapport à la tumeur intracrânienne et correspond, le plus souvent, à l’invasion de l’os par la tumeur. D’autres hypothèses physiopathologiques ont été avancées pour expliquer l’hyperostose, dont une stimulation ostéoblastique par des hormones ou des cytokines produites par la tumeur. L’hyperostose est plus fréquemment retrouvée dans les formes « en plaque » que dans les formes nodulaires du méningiome. Hormis le méningiome en plaque, elle peut révéler une maladie de Paget, une tumeur osseuse bénigne, telle que l’ostéome ou la dysplasie fibreuse, ou une tumeur maligne. Les compressions vasculo-nerveuses sont le fait de l’hyperostose, et conditionnent le pronostic de la maladie. La localisation sphénoïdale se manifeste le plus souvent par un proptosis, refoulement antérieur irréductible de l’orbite. Tout symptôme évocateur d’hypertension intracrânienne doit être méticuleusement recherché, notamment des céphalées inhabituelles, une baisse de l’acuité visuelle, ou une crise épileptique. Il existe plusieurs types d’hyperostose visibles au scanner : – type 1 : hyperostose homogène, avec des tables interne, externe ou moyenne non discernables ; – type 2 : forme périostée, sur le versant interne ou externe du crâne ; – type 3 : l’hyperostose concerne les 3 couches mais le diploé reste moins dense que les 2 autres ; – type 4 : atteinte du diploé qui est épaissi et dense. La surface de l’hyperostose est plus ou moins irrégulière et on retrouve une prise de contraste de la méninge épaissie (le méningiome en plaque) au contact de l’hyperostose. Une ossification sous-durale est possible. L’effet de masse peut être important sur le parenchyme cérébral. L’hyperostose se localise essentiellement près de la suture coronale et peut traverser les sutures. L’IRM est la plus à même de caractériser la tumeur et d’en faire le bilan d’extension locale. L’image typique du méningiome en plaque est un épaississement localisé plus ou moins important de la dure-mère se raccordant de façon très progressive avec la dure-mère normale. Il apparaît bien limité, en isosignal T1 et fortement rehaussé par le gadolinium. Plusieurs diagnostics différentiels peuvent se discuter : • Le méningiome primitif extradural est très rare. Il représenterait 1 % des méningiomes. Il touche essentiellement la voûte du crâne (plus de 2/3 des cas), le tissu sous-cutané, les sinus, la cavité nasale, les parotides, l’espace parapharyngé ou le poumon. Le méningiome intra-osseux de la voûte du crâne fait intervenir des cellules méningées ectopiques provenant de la différenciation de cellules mésenchymateuses. Il peut être post-traumatique ou correspondre à la séquestration de cellules arachnoïdiennes dans les sutures lors de la vie embryonnaire. Il n’y a pas de communication avec l’arachnoïde, et il touche l’homme aussi bien que la femme. La tumeur est bénigne, d’évolution lente. La transformation maligne est plus fréquente (11 % vs 2 %) en cas de méningiome intracrânien. Radiologiquement, il existe une hyperostose lisse puis à un stade tardif l’aspect devient spiculé et régulier. On peut également retrouver une ostéolyse ou alors une forme mixte. À noter l’absence de prise de contraste dans les formes condensantes. • L’hyperostose frontale interne est une affection bénigne, correspondant à une variante de la normale, présente dans 5 à 12 % de la population générale. Elle touche presque exclusivement les femmes, de plus de 40 ans, souvent après la ménopause. L’étiologie est imparfaitement connue. Des troubles psychiatriques, une dépression ou un diabète seraient fréquemment associés. • L’ostéome de la voûte se manifeste par une hyperostose homogène, à contours nets et il est constitué d’os cortical. Il se développe à partir de la table externe, rarement à partir de l’interne. Il n’est pas biconvexe, ne s’étend pas au diploé, et ne traverse pas les sutures. • Dans la dysplasie fibreuse, la corticale est amincie, et il existe un aspect en verre dépoli et élargi du diploé. Des calcifications cartilagineuses sont possibles et la surface de l’hyperostose est lisse. Généralement il y a une conservation de la concavité de la table interne et l’atteinte touche la face et un hémicrâne. L’effet de masse sur le parenchyme est rare. • Dans la maladie de Paget, les lésions sont symétriques, la corticale est épaissie, le bombement de la table externe est inhabituel et la face respectée. • L’hémangiome de la voûte du crâne se développe aux dépens de la table externe et donne des images en spicules, épaisses sur les radiographies et en nid d’abeille à la coupe perpendiculaire. • Les métastases ostéoblastiques doivent également être évoquées. Le primitif peut être un cancer de la prostate, du sein, un séminome, ou un cancer bronchique. Dans ces cas, la condensation est marquée, et les contours irréguliers. La composante tissulaire dans les tissus mous est fréquente. La prise en charge du méningiome en plaque reste essentiellement chirurgicale, notamment en cas d’apparition de signes de compression locale.
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