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Congrès

Publié le 15 mar 2015Lecture 7 min

Quoi de neuf à l’AES 2014 ?

G. LAMBERT, Paris

Au cours d’une émission online, Cécile Marchal (CHU de Bordeaux), Arnaud Biraben (CHU de Rennes) et Gilles Lavernhe (Gap) ont commenté l’actualité du congrès de l’American Epilepsy Society, qui s’est tenu à Seattle du 5 au 9 décembre 2014.

En 2014, le fameux symposium Merritt-Putman(1) était notamment consacré aux rapports entre stress et épilepsie. Comme l’a précisé Cécile Marchal, le stress est le premier facteur déclenchant des crises rapporté par les patients, un élément qui semble être confirmé par les études cliniques et l’expérimentation animale et qui a montré que ce facteur augmente la fréquence et la gravité des crises. En pratique, le stress est difficile à évaluer et les questionnaires utilisés à cet effet fournissent une appréciation rétrospective. Il faudrait utiliser des carnets d’événements prospectifs de façon à ce que les patients ne rationalisent pas la survenue de la crise comme ils ont tendance à le faire après l’événement. La prise en charge du stress est une question d’actualité puisqu’on dénombre plus de 5 510 essais cliniques en cours sur la prise en charge du stress dans diverses pathologies. Dans le cadre de l’épilepsie, ce sont des techniques telles que le yoga et la relaxation, qui sont essentiellement proposées. Les études montrent que les patients qui ne font pas le lien entre le stress et les crises, tirent bénéfices de ces méthodes. Gilles Lavernhe constate que chaque patient doit trouver la pratique qui lui convient et que les techniques comportementales, mais également la pratique du sport, trouvent toute leur place dans ce cadre.   Évaluer la conduite   Pour évaluer la conduite, une équipe américaine a présenté un système simplifié basé sur un jeu vidéo accessible sur une tablette, qui permet d’évaluer différents paramètres : vitesse, réaction de freinage, d’accélération et survenue d’accidents(2). L’enregistrement vidéo EEG complète le dispositif de façon à identifier les crises et évaluer l’influence des troubles intercritiques. Les crises avec perte de conscience ont toutes entraîné des accidents et, pour celles sans perte de connaissance, le risque devenait plus important au-dessus d’une durée de 60 secondes. En revanche, la survenue d’anomalies EEG intercritiques n’a pas eu d’influence sur la conduite(3). De même, les crises non épileptiques psychogènes n’ont pas de conséquences en termes de risque d’accident.    Dans le cadre du diagnostic différentiel, le biomarqueur idéal devrait être détecté dans le sang, avoir une demi-vie suffisante pour pouvoir être dosé à distance de la crise mais pas éloigné non plus, et devrait être très spécifique du système nerveux central (SNC) et non modifié par les médicaments, en particulier ceux du SNC. Pour l’heure, il n’en existe pas mais une équipe a évalué la valeur prédictive de marqueurs de l’inflammation chez 89 patients épileptiques, 35 présentant des crises non épileptiques psychogènes, et 20 contrôles(4). Le rapport TARTC/TNF α semble corrélé à l’épilepsie et pourrait permettre d’orienter le diagnostic après un malaise non identifié. Pour l’heure, c’est l’EEG qui est le principal élément d’orientation diagnostique dans cette situation. Une étude de la Mayo Clinic(5) a montré chez 940 patients, pour lesquels un diagnostic d’épilepsie était évoqué, que 25 % des anomalies épileptiformes étaient détectées entre la 30e et la 60e minute, ce qui plaide en faveur d’enregistrements plus longs.  L’association d’une épilepsie et d’une démence est loin d’être exceptionnelle et Arnaud Biraben a rapporté les résultats d’une étude menée sur 1 106 cas de personnes âgées présentant les deux pathologies(6). L’objectif de cette étude était de savoir si une démence pouvait entraîner à elle seule une épilepsie. Tous les patients présentant des crises secondaires à une cause identifiée (abus d’alcool, de médicaments, lésion cérébrale, syndrome de Down, dossiers incomplets, etc.) ont été exclus de ce travail. Il restait 72 cas où la seule explication était la démence, soit 13 à 14 % des patients. Le plus souvent, il s’agissait de crises généralisées et, dans 87 % des cas, la démence était une maladie d’Alzheimer isolée. Dans 5 % des cas, la crise d’épilepsie avait précédé la démence de 1 à 5 ans. En commentant ces résultats, Gilles Lavernhe qui, en plus d’être neurologue est gériatre, a souligné que le traitement ne devait pas être systématiquement mis en route chez des patients ayant une altération cognitive sévère et après un seul épisode convulsif. À l’inverse, le traitement qui doit tenir compte des comorbidités, permet de maîtriser assez facilement l’épilepsie. Cécile Marchal s’est faite l’écho d’une équipe autrichienne qui a repris la cohorte de patients, suivie dans un hôpital d’Innsbruck, en les classant en trois décennies : années 1980, 1990 puis 2000(7). Ils ont ainsi constaté que la mortalité a baissé au cours de la dernière décennie passant d’un odds ratio moyen de 3,0 à 1,4. Ce bénéfice semble surtout lié à une meilleure prévention des comorbidités, en particulier des maladies cardiovasculaires très fréquentes chez ces patients.   Thérapeutique   Un débat surprenant a occupé une session remarquée de ce congrès : faut-il modifier le protocole des essais cliniques ? Arnaud Biraben a rappelé que cette controverse avait débuté avec la publication d’un article de Philippe Ryvlin (Lancet Neurology 2011) qui, dans une métaanalyse reprenant l’ensemble des essais cliniques contre placebo, avait montré que les patients épileptiques recevant une molécule inactive avaient un risque de SUDEP nettement supérieur à celui du groupe traité (odds ratio : 7 versus 0,9), et ce, quelle que soit la molécule testée. La FDA a repris ces résultats en y ajoutant des informations provenant des laboratoires qui avaient réalisé ces études et concernaient au total 11 447 patients. Elle a ainsi confirmé les données de P. Ryvlin sur une population encore plus large(8). Ils ont étudié ce risque par rapport à celui de la population générale (0,9 à 2,3) chez les patients pharmacorésistants (3,2 à 5,9) et chez ceux candidats à la chirurgie (6,3 à 9,3), où il est le plus élevé, et comparables aux sujets recevant un placebo dans les essais cliniques. Si on supprimait le placebo et qu’on le remplaçait par un médicament connu pour son efficacité, on sait que ce type d’essai aurait peu de chance de donner des résultats statistiquement significatifs. Une autre solution aurait été d’éliminer les patients ayant un risque de SUDEP, mais c’est en particulier à ces derniers que le traitement est utile. Puisqu’il semble difficile de laisser les choses en l’état, l’idée serait d’évaluer le nombre de crises pendant une période d’inclusion (baseline). Les patients resteraient dans l’étude en double aveugle jusqu’à ce qu’ils aient fait le nombre de crises décomptées pendant la phase d’inclusion, puis ils entreraient dans une étude en ouvert. Ainsi, ceux inclus dans le groupe placebo devraient en sortir assez vite dans la mesure où ils auraient reçu un traitement inactif. En revanche, ceux ayant une molécule efficace y resteraient plus longtemps. Une étude médico-économique a comparé les données pour des patients avant et après leur arrivée dans un centre de prise en charge tertiaire. Il a été constaté que le nombre de patients libres de crises augmentait sensiblement, que les multithérapies étaient plus fréquentes mais avec moins d’effets secondaires, et que les autorisations de conduite étaient plus courantes. De plus, le diagnostic de dépression et d’anxiété était plus souvent porté. Une donnée qui a fait réagir Gilles Lavernhe qui a souligné que les patients épileptiques pouvaient et devaient, si cela était nécessaire, recevoir des antidépresseurs. Impossible de terminer ce compte rendu sans évoquer l’autre débat qui a traversé le congrès avec pas moins de deux symposia(9), dont le Merritt-Putman, ainsi que plusieurs posters : l’utilisation des cannabinoïdes dans l’épilepsie. L’histoire a commencé aux États-Unis avec une petite fille atteinte d’un syndrome de Dravet très sévère que les parents ont traité avec de l’huile de cannabis et qui, selon eux, n’a plus fait de crises. Comme l’a rappelé Cécile Marchal, nous sécrétons des endocannabinoïdes qui modulent la synapse, en particulier excitatrice. Les cannabinoïdes exogènes viennent de la plante avec deux principes actifs, le THC (tétrahydrocannabinol) et le cannabidiol (CBD). Trois études ont été réalisées chez l’homme, mais sur des petits groupes de patients et avec des méthodologies discutables. Des essais contrôlés chez des populations plus larges vont débuter prochainement avec des dérivés du CBD enrichi.  Pour conclure, Arnaud Biraben a rapporté une métaanalyse ayant regroupé 73 publications concernant le sport, parmi lesquelles 42 études cliniques(10). Les 13 études qui ont évalué la qualité de vie ont conclu à une amélioration. Les auteurs ont noté que très peu de crises ont été induites par le sport (seulement 3 cas dans cette revue de la littérature) et qu’il permettait une diminution des comorbidités : dépression, anxiété, AVC, pathologies cardiovasculaires et ostéoporose. Il est donc légitime de recommander aux patients épileptiques de pratiquer un sport.   Pour en savoir plus : découvrez l'émission AES 2014  

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