Neurologie générale
Publié le 15 mai 2011Lecture 6 min
L’éthique des tests neuropsychologiques
C. BENOLIEL, Fondation de Rothschild, Paris
Développés pour repérer des fonctionnements anormaux, les tests ne doivent pas répondre à ce qui n’est pas demandé et ne peuvent pas toujours répondre à la question posée. Tenant compte d’un contexte particulier, les résultats des tests doivent être accompagnés d’un compte-rendu qualitatif. Un test mental est une situation expérimentale standardisée servant de stimulus à un comportement. Ce comportement est évalué par une comparaison statistique avec celui d’autres individus placés dans la même situation, permettant ainsi de classer le sujet examiné soit quantitativement, soit typologiquement (Pichot, 1949). De cette définition, il faut retenir « classer » ; ainsi, dès que l’on fait un test, on va classer, trier, stigmatiser. Le GRECO (Groupe de réflexion sur les outils cognitifs) s’est ainsi intéressé à l’éthique des tests (GRE-THIC).
Un peu d’histoire… Ancienneté des tests Si on remonte à la Grèce antique (évaluation des fonctions physiques et intellectuelles à Sparte), on retrouve la notion de test avec Esquirol en 1838 : la création d’institutions pour les déficients mentaux avec des normes d’admission et des critères de classification. Les tests se sont ainsi développés, permettant d’évaluer dans une situation standardisée au moyen de méthodes scientifiques, le fonctionnement du sujet et de sa personnalité (ainsi que l’absence ou la présence de pathologie) : c’est l’essor de la psychologie statistique ou psychométrie. Deux noms émergent : - James Cattell (1860-1944) qui a travaillé sur les fonctions sensorimotrices élémentaires chez les étudiants (il les pesait, les mesurait) ; - Francis Galton (1822-1911) a inscrit ses travaux autour de l’hérédité. Il a inventé les méthodes statistiques d’étalonnage, de régression et de corrélation. Les tests ont explosé après la 1re Guerre mondiale. Beaucoup de soldats ont été tués et l’armée s’est mobilisée pour développer des tests de connaissances, d’aptitudes et d’intelligence : Army alpha (test verbal) et Army beta (test non verbal) (sélectionner les « pas malins » devant et les « malins » derrière ?). Le QI (Weschler-Bellevue Intelligence Scale 1939) s’est développé à partir des Army tests. Il comporte une échelle verbale (QIV) et non verbale (QIP ou QI Performance). Ce test permet d’avoir assez facilement le reflet de l’intelligence d’un sujet. S’il a bénéficié de nombreuses adaptations validées sur des milliers d’individus dans de nombreux pays, il reste peu ou prou le même depuis son origine. Les 3 orientations initiales • Le milieu scolaire (Binet et les lois sur l’école, 1905) : nécessité de repérer les retards scolaires, de mieux individualiser les enfants en difficulté pour mieux les scolariser. • Le milieu du travail, le recrutement : des travaux de l’armée sont partis tous les tests que l’on connaît aujourd’hui. • Le milieu des « malades et des déficients mentaux » : travail sur les tests pour, non pas stigmatiser, mais pour pouvoir créer des structures où l’on regroupe des sujets (débat éthique du ghetto). Caractéristiques des tests psychométriques De cette histoire de la psychométrie sont issus les tests utilisés en pratique courante. Ils se sont développés non pas pour caractériser des sujets normaux, mais pour repérer des fonctionnements anormaux ou des dysfonctionnements dans des populations pathologiques. Vocabulaire On dispose de : - tests : épreuves visant à provoquer un comportement observable et permettant une mesure objective (ex. : MMSE) ; - batteries : ensemble de tests (ex. : la BREF) ; - échelles : série de questions auxquelles l’individu ou l’un de ses proches peut répondre. La mesure est subjective. Modalités Les tests sont soit écrits (papier crayon), soit informatisés. Ils peuvent être chronométrés (chacun de ces outils posera des questions éthiques différentes). Ils sont globaux ou unidimensionnels. Le mode de passation est le plus souvent individuel et, parfois, se fait en groupe. Des tests sont développés selon l’âge et la fonction que l’on veut étudier. Apport des statistiques Les résultats des bilans neuropsychologiques sont rendus en Z-score. Quel que soit l’outil utilisé, les principes sont les mêmes : - utiliser des outils vérifiables en termes de sensibilité et de spécificité ; - calculer les normes en Zscore implique que le test suit une distribution normale, sinon l’interprétation du test est fausse. Certains tests ont des distributions non normales et asymétriques (ex. : MMS), les résultats s’expriment alors en centile et non pas en Z-score. Ne pas avoir la connaissance du type de distribution du test peut entraîner des erreurs de raisonnement et d’éthique. Repères éthiques Le critère éthique principal est le choix éclairé : on ne peut pas faire de test, si on ne le connaît pas, si on ne sait pas comment le choisir. Évaluation Il ne doit faire que ce à quoi il est formé. Il faut toujours accompagner les tests d’un entretien, n’utiliser que des tests validés, ne jamais réaliser un seul test (effets test) et ne choisir que les tests dont vous avez besoin pour le patient (éviter si possible les batteries standardisées). Le compte-rendu ne doit décrire que des processus altérés ou intacts (« c’est compatible avec le diagnostic de… »), ce d’autant plus que le dossier du patient est partagé entre différents interlocuteurs. Au médecin par la suite de poser un diagnostic sur la base d’un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques. Un sujet pathologique va l’être parce que le bilan neuropsychologique va mesurer une déficience et/ou une perte de fonction, et va contribuer à le classer dans un groupe pathologique (+ entretien + clinique + examen paraclinique). Interprétation Par ailleurs, un test s’interprète en fonction d’un contexte. Quelles étaient les capacités antérieures du sujet ? Comment compense-t-il une difficulté ? Pour un même test, il peut y avoir une intrication entre plusieurs facteurs (le langage et la mémoire ; la démence et un AVC…). Certains tests peuvent être pénalisés par la iatrogénie, et parfois il peut y avoir des effets du type bénéfices secondaires. Le choix des outils est parfois difficile et certains handicaps peuvent être invisibles avec les outils dont on dispose. Les réserves peuvent enfin venir du sujet lui-même (fatigue, stress, limites sensorielles ou culturelles…). Circonstances particulières La recherche clinique : les questions sont nombreuses, qu’elles concernent le cadre (outils et/ou pathologie ?) l’objectif, l’encadrement de la recherche, le compte-rendu fait au sujet. Le but de l’expertise : une possible sollicitation pour avis sur des situations portées en justice. En conclusion, on retiendra La nécessité d’une pratique rigoureuse, éclairée des épreuves psychométriques par des professionnels indépendants. Ne pas répondre à ce que l’on ne nous demande pas, et refuser de répondre quand on ne le peut pas. Toujours accompagner un score d’un compterendu qualitatif. D’après la communication de Catherine THOMAS-ANTÉRION aux rencontres 2011 de gérontologie pratique.
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