Publié le 06 juil 2008Lecture 8 min
Les particularités de l’AVC dans le grand âge
Y. BÉJOT, O. ROUAUD, M. CAILLIER, I. BENATRU, G.-V. OSSEBY, P. PFITZENMEYER, M. GIROUD, CHU de Dijon
L’accident vasculaire cérébral (AVC) du sujet âgé est en plein renouveau avec la véritable épidémie qui s’annonce du fait du vieillissement de la population, une meilleure connaissance des particularités cliniques de l’AVC du sujet âgé, et l’accès à des thérapeutiques efficaces comme la fibrinolyse et la prise en charge dans une unité de soins intensifs neurovasculaires.
L' AVC du sujet âgé Bien que l’âge moyen des accidents vasculaires cérébraux (AVC) diminue au fil des décennies (1), l’AVC reste une pathologie du sujet âgé de plus de 70 ans (2), avec une incidence qui croît de façon exponentielle dans les 2 sexes avec l’âge (figure). Figure. AVC selon l’âge, le sexe et le mécanisme. Particularités physiopathologiques Incidence des lésions Le taux d’incidence physiopathologique de chacun des mécanismes est variable selon la tranche d’âge (figure) surtout en ce qui concerne les AIT et les infarctus territoriaux et lacunaires. L’infarctus cérébral par athérome des grosses artères augmente avec l’âge jusqu’à 80 ans, puis régresse au-delà comme si les survivants de ce groupe d’âge étaient relativement protégés contre l’athérome. La fréquence des infarctus cérébraux par athérome des artérioles perforantes (lacunes) augmente de façon exponentielle après 80 ans, comme si l’amélioration de la survie des malades cardiaques s’accompagnait de l’augmentation des embolies cérébrales d’origine cardiaque (2). Facteurs de risque vasculaires (5,10-12) Le taux des infarctus cérébraux inexpliqué est faible au-delà de 80 ans (5 % contre 25 ans avant 60 ans) car les facteurs de risque y sont plus fréquents comme l’arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire, les antécédents d’accident ischémique transitoire (AIT) (tableau). En revanche, au-delà de 80 ans, les facteurs de risque comme l’HTA, le diabète, le tabagisme, le syndrome d’apnée du sommeil se superposent au vieillissement vasculaire naturell (5,7). Enfin, l’expérience quotidienne nous rappelle qu’au-delà de 80 ans, le risque d’avoir plusieurs causes d’infarctus cérébraux (HTA, sténose de la carotide, arythmie cardiaque) ou d’hémorragies cérébrales (HTA, antiagrégants plaquettaires ou anticoagulants) est retrouvé dans 25 % des cas (5,12). Types d’AVC Chez le sujet âgé, 90 % des AVC sont des infarctus et 10 % seulement des hémorragies cérébrales. L’incidence des hémorragiques cérébrales reste stable avec l’âge (figure), avec la place importante chez le sujet âgé de l’AHC par angiopathie amyloïde. Ce type d’hémorragies cérébrales se caractérise par sa localisation corticale, postérieure, ses récidives fréquentes et sa bonne tolérance fonctionnelle, immédiate, sauf le risque de démence. L’infarctus lacunaire, dépendant étroitement de l’ancienneté de l’HTA, est fréquent dans ce groupe d’âge (25 %) et ses récidives sur plusieurs sites sont à l’origine de l’apparition du classique syndrome pseudo-bulbaire (démarche à petits pas avec élargissement du polygone de sustentation, très différente de la marche du parkinsonien, mictions impérieuses, troubles de déglutition et déclin cognitif dans 20 % des cas). Les infarctus cérébraux par athérome des gros troncs artériels s’accompagnent d’une sténose de la carotide interne supérieure d’au moins 70 % dans 15 % des cas. Ce diagnostic est important à faire, car la prévention de la récidive de l’infarctus cérébral repose sur l’endartériectomie qui peut être réalisée, quel que soit l’âge, sous anesthésie locale. Particularités séméiologiques Séméiologie différente au-delà de 80 ans (5) L’hémiplégie et l’aphasie sont plus fréquentes. Le coma initial est plus fréquent après 80 ans (12 %) qu’avant 80 ans (7 %) à lésion égale, traduisant une fragilité particulière du cerveau âgé, surtout s’il existe déjà au préalable des lacunes ou une leucoaraïose liée à l’HTA. La crise convulsive inaugurale est plus fréquente après 80 ans (7 % des cas) qu’avant (5 % des cas), de même que l’épilepsie tardive (25 % des cas contre 10 %). Elle est très souvent motrice, partielle, affectant l’hémicorps paralysé avec un phénomène de Todt post-critique pouvant aggraver l’hémiplégie préexistante pendant 2 à 3 semaines, et simulant une récidive d’AVC, justifiant la pratique d’un EEG à la recherche d’une crise épileptique partielle motrice. Des déficits plus spécifiques La confusion mentale est fréquente (39 %) et peut même représenter le seul symptôme déficitaire. Elle survient habituellement dans les infarctus cérébraux touchant le lobe temporal droit. Seule la découverte d’un signe de Babinski à gauche et fugace peut faire évoquer le diagnostic avant la réalisation d’un scanner. Sinon, on entreprend la recherche d’un trouble métabolique (insuffisance rénale, déshydratation, hypoglycémie, hypercalcémie). Les troubles de déglutition secondaires à un syndrome pseudo-bulbaire sont retrouvés dans 39 % des cas après 80 ans, contre 21 % avant 80 ans. L’incontinence urinaire révélant aussi un syndrome corticospinal est présente dans 57 % après 80 ans, contre 35 % avant. Impact de l’imagerie Dès 1985, 90 % des patients victimes d’un AVC bénéficiaient d’un scanner cérébral quel que soit leur âge (8). La leucoaraïose, témoin d’une ischémie cérébrale chronique liée à l’âge et à l’HTA, voit son incidence passer de 15 % à 60 ans à 35 % après 75 ans. La leucoaraïose est un facteur de risque d’un AVC, mais aussi de récidives et de déclin cognitif. Les lacunes silencieuses sont plus fréquentes avec l’avancée en âge, ce qui soulève des problèmes diagnostiques. L’IRM de diffusion permet seule de distinguer au sein de plages de leucoaraïose, l’existence de lésions ischémiques récentes facilitant le diagnostic et évitant des bilans et des traitements inappropriés voire dangereux (héparine). En ce qui concerne les hémorragies cérébrales, l’hématome des noyaux gris centraux est très évocateur de l’hématome lié à l’HTA dans ce groupe d’âge, tandis que l’hématome lié à la prise d’antivitamines K chez un patient en arythmie cardiaque se distingue par un niveau hydrique (sédimentation des globules rouges avec un surnageant), et que l’hématome de l’angiopathie amyloïde se caractérise par une localisation corticale et postérieure. Données pronostiques Quel pronostic vital et fonctionnel ? Le pronostic vital et fonctionnel dépend de 3 facteurs : – les comorbidités associées dont la dénutrition (14) ; – la taille de l’infarctus cérébral ou de l’hémorragie cérébrale ; – la qualité de la prise en charge initiale. Après 80 ans, aux séquelles motrices présentes dans 70 % des cas, aux séquelles phasiques présentes dans 30 % des cas, il faut rajouter les séquelles dépressives dans 21 % des cas, assez rebelles, difficiles à traiter et entravant la rééducation. Quatre complications caractéristiques après 80 ans Décès prématuré Il est important après 80 ans avec une prévalence de 21 % à 28 jours et 35 % à 1 an contre 10 % avant 80 ans du fait de causes cérébrales mais surtout de causes cardiaques (15), d’embolies pulmonaires, de complications infectieuses ou d’escarres. Récidives Les taux sont plus fréquents après 80 ans du fait de l’existence de causes multiples et de l’incidence croissante après 80 ans de l’arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire. Troubles de la marche Ils sont liés à des lésions ischémiques frontales multiples à l’origine de la marche frontale comportant des petits pas simulant la maladie de Parkinson, mais avec un polygone de sustentation élargi, les bras en abduction, le demi-tour s’effectuant par pivotage sur un pied adhérant au sol (grasping du pied), et enfin la bonne mobilité des membres inférieurs en position allongée contrastant avec la rigidité en position debout signant la dissociation orthoclinostatique pathognomique de la marche frontale. Ce type de marche doit être diagnostiqué rapidement, car il traduit en général des lacunes ischémiques multiples dont on peut prévenir médicalement l’augmentation en nombre. Ce type de marche est sensible à la rééducation locomotrice afin d’éviter la grabatisation et ses conséquences. Risque de démence après AVC La démence est une complication fréquente à cet âge reposant sur des lésions histologiques où se mêlent des lésions propres aux atteintes ischémiques et des lésions liées au vieillissement (7). Les patients ayant présenté un AVC ont un risque accru de développer une démence. T. K. Tatimichi et coll.16 ont démontré à partir d’une étude castémoin que ce risque était multiplié par 5. Ce risque augmente avec l’âge, puisque sur un suivi de 52 mois, 34 % des patients de plus de 60 ans ayant eu un AVC présentaient une démence contre 10 % dans le groupe témoin. Le gène de l’ApoE4 pourrait faire le lien entre athérome cérébral et maladie d’Alzheimer. Le mécanisme de cette démence n’est pas univoque (6). La préexistence d’une démence d’Alzheimer est présente chez 16 % des patients victimes d’un AVC (6) rappelant que des lésions cérébrales précliniques de type Alzheimer pourraient favoriser l’apparition d’une démence après un AVC par sommation de lésions vasculaires et de lésions dégénératives (6).
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :