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Epilepsie

Publié le 17 déc 2009Lecture 8 min

Mort subite dans l’épilepsie : les mécanismes et la prévention

P. GÉLISSE, Unité médico-chirurgicale de l’épilepsie, Montpellier
Parmi les causes de décès chez les malades épileptiques, la mort subite, dont la fréquence est bien supérieure à ce qui est observé dans la population générale, reste un phénomène inexpliqué. Philippe Gélisse en décrypte, ici, l’épidémiologie, les facteurs de risque et les mécanismes possibles tout en évoquant les pistes de prévention.
Illustration : Bodo Wentz, Fallsucht (Mal de terre), Musée de l'Epilepsie, Kork, Allemagne.   La surmortalité des patients épileptiques es t connue de longue date et elle concerne toutes les tranches d’âge. Le taux de mortalité standardisé (SMR), qui est le rapport du taux de mortalité des patients épileptiques sur le taux de mortalité de la population générale au même âge, est plus important chez les patients jeunes et au cours des 5 à 10 premières années qui suivent le diagnostic d’épilepsie (1). La mortalité est estimée globalement depuis les années 1960 à 2 à 3 fois celle de la population générale. Lhatoo et coll. (2001) ont conduit une étude prospective sur des patients présentant une épilepsie nouvellement diagnostiquée avec un suivi jusqu’à 14 ans (2). Plus de 70%des patients de cette cohorte avaient évolué vers une rémission, et malgré cela le taux de mortalité à long terme était encore deux fois supérieur à celui de la population générale. La mortalité est augmentée dans certains groupes à risque : la surmortalité est plus importante dans les épilepsies partielles pharmacorésistantes et dans les épilepsies symptomatiques (3). La mortalité peut ne pas être liée réellement à l’épilepsie : infection intercurrente, complicat ions l iées à la maladie causale, accident, suicide (les suicides sont plus fréquents que dans la population générale). Les décès dus directement aux crises sont ceux qui surviennent à cause d’un traumatisme, d’un état demal épileptique ou d’une mort subite. La mort subite de l’épilepsie (Sudden unexpected death in epilepsy [SUDEP]) est un problème encore imparfaitement expliqué. Elle est définie comme un décès inattendu chez un sujet en bonne santé, non traumatique et habituellement sans témoin. Il n’y a pas de véritable cause retrouvée lors de l’autopsie (4). Épidémiologie des SUDEP La mort subite représente 2 à 17 % de toutes les causes de décès chez les patients épileptiques. Le risque de mort subite est augmenté de 24 fois chez les patients épileptiques comparé à la population générale, et est 40 fois supérieur chez les patients qui continuent à présenter des crises comparé aux patients qui sont libres de crises (5). Ficker et coll. (1998) ont analysé une cohorte de patients de 1935 à 1994 et ont pu déterminer que l’incidence des SUDEP était de 0,35 pour 1 000 patients et représentait 1,7 % des morts de cette cohorte (6). Pour Jallon (1999), il existe de nombreuses discordances épidémiologiques dans l’appréciation de la fréquence de lamort subite, du fait des difficultés à proposer une définition rigoureuse et surtout de l’hétérogénéité des populations à risques. Ainsi, la fréquence de la mort subite a été évaluée à 1 cas pour 450 à 2 000 patients, soit un taux annuel de 0,55 à 9,3 pour 1 000 patients (7). La mort subite représente 2 à 17 % de toutes les causes de décès chez les patients épileptiques. Les mécanismes des SUDEP Les mécanismes physiopathologiques conduisant à une SUDEP ne sont pas clairement connus, et on évoque principalement une apnée centrale, un oedème pulmonaire neurogénique et une arythmie cardiaque. Les données animales suggèrent qu’une apnée serait un des facteurs initiaux qui déclenche la mort subite5. La plupart des SUDEP sont sans témoin, mais à l’évidence les patients sont retrouvés avec une position de la tête qui fait obstacle à la respiration au cours ou au décours d’une crise secondairement généralisée. En ce qui concerne une origine cardiaque primitive, la responsabilité est moins claire. Cependant, les bradycardies critiques et les asystolies sont certainement sous-estimées chez les patients ayant une épilepsie partielle pharmacorésistante. Rugg-Gunn et coll., (2004) ont évalué 20 patients avec une épilepsie partielle pharmacorésistante au moyen d’un enregistrement ECG continu implantable8. Le rythme cardiaque a été étudié dans 377 crises avec une médiane de crise par patient de 16. Des bradycardies critiques ont été enregistrées 8 fois (7 patients). Quatre (21 %) ont eu une bradycardie sévère ou une période d’asystolie durant plus de 3 secondes nécessitant l’implantation d’un pacemaker, et ceci malgré l’absence de pathologie cardiaque sous-jacente. Les facteurs de risque des SUDEP La mort subite est la mort due aux crises la plus fréquente chez les patients jeunes avec un taux de mortalité 20 fois supérieur par rapport à la population générale (1,5). Les facteurs de risque de morts subites sont les crises généralisées tonicocloniques, un début précoce de l’épilepsie et les crises mal contrôlées. La sévérité des crises apparaît être le facteur de risque primordial, puisque les plus hauts taux de SUDEP sont rapportés dans des séries de patients présentant des épilepsies pharmacorésistantes. Les autres facteurs de risque, qui ont été impliqués, sont le sexe masculin, l’étiologie, la présence d’un handicap neurologique ou intellectuel, la compliance, les changements de traitements, les crises pendant la nuit, un récent traumatisme crânien (9,10). De la même façon dans des épilepsies généralisées idiopathiques, la pharmacorésistance est un facteur déterminant pour la survenue d’une SUDEP (11). Les plus hauts taux de SUDEP sont rapportés dans des séries de patients présentant des épilepsies pharmacorésistantes. La chirurgie de l’épilepsie peut-elle prévenir le risque de mort subite ? Chez les patients opérés, les différentes études montrent que parallèlement à la diminution du taux de mortalité, le pourcentage de SUDEP diminue et, dans cette population, les SUDEP ne s’observent qu’en cas de persistance des crises (12). Salanova et coll. (2002) ont montré chez les malades opérés d’une épilepsie temporale que le taux de mortalité baissait chez ceux libres de crise ou avec des crises rares, alors que ceux qui conservent des crises ont toujours un taux de mortalité standardisé élevé (13). Les patients avec un bon pronostic chirurgical rejoignent à long terme le SMR de la population générale. Précédemment, Sperling et coll. (1999) avaient déjà souligné que les patients opérés et libres de crises rejoignaient la population générale en termes de mortalité contrairement aux patients ne bénéficiant pas d’une chirurgie et continuant un traitement médical (14). Stavem et Gulvog (2005) ont fait état de résultats contradictoires, en ne montrant pas de différence significative en termes de mortalité chez des patients opérés comparés à des patients épileptiques non opérés (15). Cependant, la population des sujets opérés dans cette étude comportait des patients présentant différentes localisations cérébrales avec une proportion importante d’épilepsies extratemporales qui ont le moins bon pronostic postopératoire. Compte tenu du petit nombre de patients dans cette étude et, de ce fait, de décès, les auteurs n’ont pu évaluer la mortalité que dans sa globalité et non pas pu effectuer de comparaison en fonction des causes de décès, notamment en fonction de celles liées à l'épilepsie et aux SUDEP. De plus, et c’est sans doute le principal écueil de cette étude, les auteurs ont évalué le bénéfice de la chirurgie seulement à 1 et 2 ans sans connaître le statut de la fréquence des crises des patients au moment du décès. En effet, seuls 41 % des patients étaient libres de crises la première et la seconde année confondues. On peut ainsi s’interroger sur la possibilité de récurrence au-delà de ces 2 ans. Cette discordance retrouvée dans cette étude souligne bien la difficulté de réalisation de telles études portant sur la mortalité, pour disposer de la longueur du suivi nécessaire, le recueil prospectif de données essentielles comme la fréquence des crises et l’établissement exact de la cause du décès. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et des enjeux pour les patients, la Ligue Française Contre l’Epilepsie a mis en place dans chaque région française un réseau sentinelle de façon à identifier les circonstances des décès liés à l’épilepsie, dans un but de recensement et d’analyse. Les objectifs sont d’informer les patients, leur famille et la communauté médicale des risques de SUDEP et de mettre en place des projets de recherche pour au final éviter certains décès.

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