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Imagerie

Publié le 31 aoû 2006Lecture 10 min

Quand demander une échocardiographie transœsophagienne en neurologie ?

Dr Nicolas Mansecal, Pr Olivier Dubourg, Service de Cardiologie, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne
Les indications de l’échocardiographie transœsophagienne sont actuellement bien codifiées. Cet examen doit être proposé préférentiellement dans le cadre du bilan des accidents vasculaires cérébraux et des accidents de décompression, son utilisation dans le bilan des migraines étant actuellement source de polémique. L’échocardiographie transœsophagienne permet de rechercher essentiellement un thrombus dans l’auricule gauche, une endocardite par visualisation de végétations ou d’abcès intracardiaques, un foramen ovale perméable associé ou non à un anévrysme du septum interauriculaire et un athérome aortique. Ainsi, cet examen aide à poser un diagnostic précis et éventuellement à guider la conduite thérapeutique.
     Figure 1. Auricule gauche libre   Indications   Les indications de l’échocardiographie transœsophagienne sont actuellement bien définies1. Plusieurs travaux ont précisé la répartition de ces différentes indications, la principale étant la recherche d’une étiologie cardiaque à un accident vasculaire cérébral (36 %)2. L’échocardiographie transœsophagienne permet de rechercher un thrombus dans l’auricule gauche, de dépister avec précision un foramen ovale perméable associé ou non à un anévrysme du septum interauriculaire, de poser le diagnostic d’endocardite infectieuse avec visualisation de végétations valvulaires et enfin de rechercher un éventuel athérome aortique complexe (mobile ulcéré ou pédiculé), notamment sur la crosse aortique. La recherche étiologique d’une source cardiaque à un accident vasculaire cérébral a fait des progrès considérables. Une étiologie cardiaque est retrouvée dans 15 à 20 % des cas3. Bien que l’échocardiographie trans-thoracique soit largement utilisée et demeure un examen clef, l’échocardiographie transœsophagienne doit être considérée comme l’examen de référence dans le bilan des accidents ischémiques. En effet, dans une étude évaluant 79 patients avec un accident vasculaire cérébral cryptogénique, l’échocardiographie transœsophagienne permettait de retrouver une étiologie cardiaque dans 57 % des cas contre seulement 15 % des cas en échocardiographie transthoracique4. Par ailleurs, chez 30 patients avec un faible risque d’origine embolique, l’échocardiographie transthoracique n’aboutissait à aucun diagnostic alors que l’échocardiographie transœsophagienne retrouvait trois thrombi intra-auriculaires gauches, deux anévrysmes du septum interauriculaire et chez 19 patients, des plaques d’athérome aortique5. L’échocardiographie transœsophagienne doit être considérée comme l’examen de référence dans le bilan des accidents ischémiques. L’échocardiographie permet ainsi de retrouver une étiologie cardiologique à l’accident neurologique impliquant une éventuelle conduite thérapeutique, que ce soit : – indication formelle aux anticoagulants (en cas de visualisation d’un thrombus dans l’auricule gauche ou dans l’oreillette gauche) ; – nécessité de fermeture d’un foramen ovale perméable, lorsqu’il est associé à un anévrysme du septum interauriculaire ; – mise sous antibiothérapie lorsque le diagnostic d’endocardite est posé, avec une éventuelle indication à la chirurgie cardiaque lorsque la taille de la végétation est trop importante ou lorsque la végétation est très mobile ; – anticoagulation en présence d’un athérome complexe aortique. L’échocardiographie transœsophagienne peut être également indiquée dans les accidents de décompression de plongée et chez les migraineux avérés, afin de rechercher un foramen ovale perméable. Cependant, les implications thérapeutiques (fermeture percutanée de foramen ovale perméable) dans ces indications sont actuellement très discutées et doivent donc être évaluées à partir d’études prospectives afin de valider ces indications6.   Difficultés rencontrées   L’échocardiographie transœsophagienne est un examen considéré comme non invasif par les médecins, mais ressenti différemment par les patients. Elle nécessite une collaboration totale de la part du malade. Les indications de l’échocardiographie transœsophagienne doivent donc être discutées au cas par cas, notamment chez la personne très âgée ou en cas de trouble neurologique important, rendant soit la collaboration du patient, soit sa mobilisation difficiles. En effet, l’échocardiographie transœsophagienne se déroule classiquement toujours de la même façon : initialement, anesthésie locale, mise en décubitus latéral gauche (ou exceptionnellement en position assise), introduction de la sonde d’échocardiographie transœsophagienne puis acquisition des images. De plus, la réalisation d’une échocardiographie de contraste pour la recherche d’un foramen ovale perméable nécessite la pose d’une voie veineuse périphérique. La collaboration du patient demeure essentielle et la non-collaboration (volontaire ou involontaire) peut quelquefois rendre impossible la réalisation de l’examen, devant faire discuter soit de le pratiquer sous anesthésie générale, soit d’y renoncer.   L’échocardiographie transœsophagienne est un examen considéré comme non invasif par les médecins, mais ressenti différemment par les patients.   Etude de l’auricule gauche   En cas d’arythmie complète par fibrillation auriculaire, il existe une sidération des oreillettes, entraînant une stase du massif auriculaire. Cette situation clinique qui peut provoquer la formation d’un thrombus, classiquement dans l’auricule gauche (figure 1) et plus exceptionnellement dans l’oreillette gauche est à haut risque de migration embolique, notamment lors d’un retour en rythme sinusal.      Figure 1. Présence d’un volumineux thrombus intra-auriculaire gauche. L’auricule gauche est le principal site de formation de thrombus intracardiaque. Un thrombus dans l’auricule gauche est retrouvé dans plus de 45 % des embolies d’origine cardiaque. L’examen de l’auricule gauche est donc un temps essentiel de l’échocardiographie transœsophagienne. Cependant, chez 869 patients ayant un AVC ischémique, un thrombus intra-auriculaire gauche n’était retrouvé que dans 1 % des cas lorsque le sujet était en rythme sinusal ou sans atteinte valvulaire mitrale7. En revanche, un thrombus était mis en évidence chez 14 % des malades en fibrillation auriculaire récente, chez 27 % de ceux en fibrillation chronique et chez 43 % des patients en cas de fibrillation auriculaire et d’accident thromboembolique8,9. L’étude de l’auricule gauche doit comporter une analyse fine avec plusieurs plans de coupe. Elle est faite en imagerie bidim ensionnelle et permet de visualiser directement le thrombus. Cependant, il existe au fond de l’auricule gauche le muscle pectiné qui peut être pris par erreur pour un thrombus (diagnostic différentiel). Par ailleurs, la visualisation de contraste spontané généralement associé à des vitesses de vidange de l’auricule gauche faibles (incidence de 2 %) sont en faveur d’un état préthrombotique10, mais ne contre-indiquent pas une éventuelle cardioversion en cas de fibrillation auriculaire.   Un thrombus dans l’auricule gauche est retrouvé dans plus de 45 % des embolies d’origine cardiaque.   L’examen devra également rechercher un thrombus dans l’oreillette gauche. L’échocardiographie trans-thoracique, quant à elle, ne permet pas de poser avec fiabilité le diagnostic de thrombus intra-auriculaire puisque sa sensibilité n’est que de 39 %9. Ainsi, l’étude de l’auricule gauche est étroitement liée à la réalisation d’une échocardiographie transœsophagienne.   Foramen ovale perméable   L’incidence du foramen ovale perméable est estimée entre 20 à 30 % de la population générale, en fonction de l’âge. L’association embolie paradoxale -accident vasculaire cérébral cryptogénique a clairement été établie, notamment chez les patients de moins de 55 ans11. La recherche d’un foramen ovale perméable se fait en échocardiographie de contraste, que ce soit en transœsophagienne ou en transthoracique. L’échocardiographie transœsophagienne demeure l’examen de référence dans cette indication (figure 2).     Figure 2. Foramen ovale perméable visualisé en échocardiographie transœsophagienne de contraste avec passage des microbulles de l’oreillette droite (OD) vers l’oreillette gauche (OG). Cependant, avec la large utilisation de l’imagerie de seconde harmonique, qui a amélioré de manière significative la qualité de l’imagerie, l’échocardiographie transthoracique est à l’heure actuelle utilisée en routine pour le dépistage d’un foramen ovale perméable, notamment en couplant l’étude à des manœuvres de provocation (manœuvre de toux ou manœuvre de Valsalva)12,13. Néanmoins, la recherche d’un anévrysme du septum interauriculaire est beaucoup plus fine en échocardiographie transœsophagienne, permettant ainsi un diagnostic plus précis. En effet, un anévrysme du septum interauriculaire n’est retrouvé en échocardiographie transthoracique que dans 0,5 % versus plus de 5 % en échocardiographie transœsophagienne. L’échocardiographie transœsophagienne permet ainsi de poser l’indication à la fermeture percutanée d’un foramen ovale perméable en cas d’accident vasculaire cérébral, surtout lorsque le foramen ovale perméable est associé à un anévrysme du septum inter-auriculaire14. L’échocardiographie transœsophagienne sera également très utile lors de la procédure de la fermeture du foramen ovale perméable.   L’association embolie paradoxale - accident vasculaire cérébral cryptogénique a clairement été établie.   Échocardiographie transœsophagienne et étude de l’aorte   L’athérome aortique est une étiologie importante à rechercher devant un accident neurologique embolique inexpliqué. La présence de plaques d’athérome Ž 4 mm est retrouvée chez 14 % des patients ayant un accident neurologique versus 2 % dans la population générale (figure 3). En prenant en compte les différentes causes connues d’accident neurologique, l’athérome aortique est un facteur indépendant d’accident embolique (odds ratio à 3,8)15. De plus, le type de plaque est important à analyser. En effet, le taux d’accident vasculaire cérébral à un an est de 15,8 % en cas de plaques complexes (mobiles, ulcérées ou pédiculées), de 8 % en cas de plaques « simples » et seulement 1,2 % en l’absence d’athérome aortique16. L’étude de l’aorte est faite à la fin de l’échocardiographie transœsophagienne et doit être minutieuse, sur toute la longueur de l’aorte (notamment la crosse aortique [portion ascendante ou horizontale]) et doit s’efforcer à décrire précisément le type des plaques retrouvées.      Figure 3. Athérome aortique visualisé en échocardiographie transœsophagienne.     La présence de plaques d’athérome >= 4 mm est retrouvée chez 14 % des patients ayant un accident neurologique.   Échocardiographie transœsophagienne et autres causes cardiaques    (figure 4). L’échocardiographie transœsophagienne est l’examen de référence pour dépister ces végétations et doit être faite après une échocardiographie transthoracique. Cet examen permet donc de poser le diagnostic d’endocardite, avec la réalisation d’hémocultures multiples, et enfin éventuellement de poser une indication opératoire rapide, surtout si la végétation est très volumineuse et très mobile.      Figure 4. Mise en évidence en échocardiographie transœsophagienne d’une volumineuse végétation mitrale, pathognomonique d’une endocardite infectieuse. Un thrombus intraventriculaire gauche reste une étiologie possible d’accident vasculaire cérébral ischémique. Son étude, en échocardiographie transœsophagienne, n’est pas souhaitable car elle reste moins fiable qu’en échocardiographie transthoracique. En effet, l’échocardiographie transœsophagienne explore préférentiellement les structures postérieures du cœur, ce qui rend souvent nécessaire d’associer l’échocardiographie transthoracique à l’échocardiographie transœsophagienne pour une exploration complète du cœur. Chez un patient porteur d’une prothèse valvulaire mécanique (notamment mitrale) et présentant un accident cérébral ischémique, l’échocardiographie transœsophagienne est essentielle afin de rechercher une éventuelle thrombose de prothèse, particulièrement lorsque l’anticoagulation n’est pas efficace. D’autres étiologies rares, d’origine cardiaque, peuvent également être dépistées en échocardiographie transœsophagienne. Le myxome est la principale tumeur cardiaque primitive et est situé dans plus de 75 % des cas dans l’oreillette gauche. L’échocardiographie permet de poser le diagnostic et l’indication chirurgicale d’exérèse.   Conclusion   L’échocardiographie transœsophagienne fait partie intégrante du bilan étiologique des accidents vasculaires cérébraux, en recherchant de nombreuses causes cardiologiques et vasculaires. L’échocardiographie transœsophagienne en neurologie est donc à visée diagnostique, mais elle permet également de porter de nombreuses indications thérapeutiques.

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