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Neuropathie

Publié le 07 déc 2009Lecture 12 min

Traitement chirurgical des lésions des nerfs au membre supérieur

A. VANNINEUSE, Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie, Centre hospitalier de Chauny
Les lésions traumatiques des nerfs périphériques sont fréquentes au membre supérieur et surtout à la main, particulièrement exposée par l’activité humaine. La réparation chirurgicale peut être requise dans certaines situations, surtout en cas de sections. Un préalable est important à mettre en exergue : la régénération du nerf traumatisé est un processus complexe essentiellement biologique. La chirurgie n’en est qu’une étape. La récupération complète reste encore illusoire aujourd’hui.
Quelques repères Un nerf périphérique est composé de un à cent fascicules, dans lesquels on trouve les fibres nerveuses (axone et cellules de Schwann) (figure). Ils sont contenus dans un conjonctif lâche, l’épinèvre qui contient le réseau vasculaire et lymphatique et qui assure la fixation et le glissement du nerf dans son environnement. Le fascicule a un trajet ondulant qui lui confère une certaine élasticité et une capacité d’élongation, mais qui n’est pas identique pour tous les éléments en un point donné : un nerf étiré, extérieurement sain, peut présenter des lésions intrinsèques de degrés de gravité différents. Le nombre et la distribution des fascicules varient le long du nerf, par un jeu de fusion et d’échange. Ils sont plus nombreux au niveau proximal, mais avec une répartition au hasard, et fusionnent progressivement pour finalement s’individualiser dans le rameau distal. La richesse vasculaire et une possibilité de fonctionner partiellement en anaérobiose confèrent une certaine résistance à l’ischémie. La densité des fibres nerveuses par unité de surface varie en fonction du nerf, du niveau, mais aussi de l’âge et de facteurs individuels. Figure 1. Structure du nerf. Cette densité décroît avec l’âge. La structure fasciculaire change tous les 15 mm : en cas de perte de substance importante, les sections nerveuses ne sont plus identiques. On sait qu’un nerf peut être moteur, sensitif ou végétatif, mais les nerfs musculaires ont en plus des fibres sensitives qui renseignent sur la tension de l’unité musculaire. Lors d’une lésion neurale, il s’installe entre le 8e et le 20e jour des signes de dénervation musculaire. Lors de la récupération, intervient un facteur « distance/ temps » : les fibres musculaires dénervées vont dégénérer définitivement en l’absence de réinnervation après 18 à 24 mois. Beaucoup de lésions traumatiques du nerf ayant une incidence indemnitaire médico-légale, ce délai est important pour fixer la consolidation. La capacité de récupération sensitive persiste, elle, pendant plusieurs années. Les lésions Le nerf périphérique peut être lésé par contusion, compression, élongation et section. Classiquement, on distingue trois types de lésions, de gravité croissante :   la neurapraxie, bloc de conduction local, total mais transitoire : la continuité de l’axone est préservée, la myéline a disparu. La récupération est rapide, pouvant aller jusqu’à 12 semaines ;   l’axonotmésis : la continuité axonale est interrompue avec une dégénérescence wallérienne conséquente distale. Le temps de récupération est celui de la régénération axonale. Le tube neural guide la repousse, et la récupération est donc théoriquement complète, hormis l’incidence éventuelle du facteur « distance/temps » ;   le neurotmésis : la lésion est totale. Le processus de régénération implique toutes les structures cellulaires (cellules de Schwann, fibroblastes, cellules endothéliales, macrophages) en un processus biologique et biochimique complexe. La récupération reste toujours imparfaite. Sutherland a complété cette classification lésionnelle en introduisant deux stades intermédiaires entre l’axonotmésis et le neurotmésis. Ils se caractérisent par un pronostic de régénération imparfait. Le diagnostic L’examen et le diagnostic peuvent être rendus difficiles par le contexte de l’accident. Un polytraumatisme, un patient inconscient ou simplement très algique peuvent rendre aléatoire l’évaluation. Il faut s’enquérir d’une éventuelle sédation ou antalgie lourde. Ces notions doivent être consignées, et il faudra renouveler l’examen dès que les conditions se seront améliorées. Devant un patient algique, il faut effectuer le bilan clinique au plus tôt, avant la réalisation d’un bloc antalgique ou anesthésique. Le contexte douloureux perturbe souvent la perception des sensations. Il faut consigner ses doutes et renouveler les examens, ne pas hésiter à en faire part au patient si possible, ou à l’entourage. Il faut rester calme, doux et rassurant.   En urgence, l’évaluation du déficit neurologique se fait par l’appréciation des déficits moteurs et sensitifs sous-jacents, sur des fonctions simples (flexion/extension, sensibilités pulpaires…). Dans le doute, l’exploration systématique et soigneuse des plaies impliquant un trajet nerveux, doit être entreprise, de préférence au bloc. Dans les plaies perforantes, par verre notamment, la taille de la lésion n’est pas indicative de la gravité lésionnelle et du risque neural.  Secondairement, l’interrogatoire et l’examen doivent être soigneux et méthodiques, à la recherche des douleurs irradiées et des troubles sensitifs et moteurs dans des territoires correspondant à la topographie d’un ou de plusieurs nerfs. La connaissance du contexte initial est précieuse. Le testing musculaire devra être coté : • MO : aucune contraction palpable ; • M1 : la contraction est perceptible par l’examinateur ; • M2 : la contraction est visible lorsque l’on supprime l’effet de la pesanteur ; • M3 : la contraction est visible contre la pesanteur ; • M4 : contraction visible contre une résistance quantifiable ; • M5 : contraction avec une force et une amplitude normales. D’un point de vue sensitif, une discrimination tactile (le filament est préférable à l’aiguille, douloureuse) supérieure à 15 mm, traduit une lésion nerveuse sévère. Les troubles vasomoteurs et trophiques à distance du traumatisme, sont constants mais variables. Ils sont importants dans le territoire médian. Les examens paracliniques Le bilan électrophysiologique Le bilan électrophysiologique (éléctromyographie) est le seul examen utile et important. C’est le seul document objectif qui permet d’assurer le diagnostic, le pronostic et la surveillance des lésions. Il constitue aussi une base médico-légale irréfutable. Il permet d’identifier la neurapraxie de bon pronostic. La distinction entre axonotmésis et neurotmésis n’est pas possible au stade initial. Pour la surveillance, l’examen initial devrait se situer vers la fin du premier mois, puis en l’absence de récupération clinique, vers la fin des 3e-4emois et enfin, tous les 6 mois, pour suivre la réinnervation. Syndromes périodiques de l’enfance L’examen se fait en deux temps :   détection : confirme l’atteinte neurogène et permet de préciser sa topographie. La dénervation périphérique totale induit dans le muscle, après 2 à 3 semaines, une activité spontanée de fibrillations et de potentiels lents. Une lésion partielle donne, lors de la contraction volontaire, un tracé appauvri. Lors de la récupération, il apparaît un tracé particulier dit « potentiel de réinnervation » ;   stimulodétection : mesure la conduction nerveuse motrice et sensitive. Pour la conduction sensitive, les potentiels sont de plus petite taille et plus difficiles à obtenir que les potentiels moteurs. De ce fait, les nerfs médian, ulnaire et radial sont surtout accessibles. Les autre examens Hormis l’IRM qui présente un intérêt encore incertain pour visualiser une lésion du nerf, les autres examens (RX, scanner, échographie) contribuent à fixer le contexte et son incidence : conflit avec le site fracturaire ou l’ostéosynthèse, lésion compressive, épine irritative, corps étranger, etc. Topographie des lésions au membre supérieur Paralysie du nerf spinal accessoire Liée à une chirurgie du triangle sus-claviculaire (ganglion, kyste ou lipome), les lésions du nerf spinal accessoire entraînent des douleurs et une paralysie du trapèze avec une désorganisation fonctionnelle de l’épaule. La récupération spontanée est médiocre, et l’exploration est recommandée dans les 3 premiers mois. Paralysie du nerf axillaire Secondaire à un traumatisme de l’épaule, la récupération spontanée est habituelle (65 à 85 %), mais le diagnostic est souvent tardif à un mois (30 %). L’exploration chirurgicale est prévue à 4 mois en cas de non-récupération. Paralysie du nerf musculocutané Liée à une rétropulsion brutale de l’épaule ou une chirurgie de l’instabilité. L’exploration se fait après 4 mois avec de bons résultats, quelle que soit la technique. Paralysie du nerf radial   Au bras : la lésion apparaît au cours d’une fracture humérale ou de lésions complexes. La réparation se fait par suture ou greffe avec une bonne récupération. Lors d’une fracture humérale, le nerf est lésé dans 2 à 15 % des cas, mais avec un taux de récupération spontanée de 87 %, l’exploration ne s’impose qu’après 3 à 4 mois. En revanche, après ostéosynthèse distale de l’humérus, il faut explorer à la fin du premier mois en cas d’atteinte axonale.   Au coude, la lésion est contemporaine de la fracture luxation de Monteggia et dans les plaies du coude, exceptionnellement lors d’une ostéosynthèse du radius proximal.   Au poignet, ce sont surtout des névromes sensitifs, séquelles d’embrochages de fracture, de traitement difficile. Lésions proximales des nerfs médian et ulnaire Il s’agit souvent d’accidents graves, avec des lésions multiples. Une section nette sera suturée d’emblée. S’il y a perte de substance, les extrémités sont repérées et réparées secondairement dans un délai inférieur à 6 mois pour améliorer le pronostic. Le résultat des sutures est nettement supérieur à celui de la greffe. Des transferts musculaires palliatifs peuvent être requis. Plaies tendino-nerveuses de la face antérieure du poignet Le principe est la réparation immédiate de toutes les lésions, tendineuses, vasculaires et nerveuses en un temps, si la section est franche, sinon le nerf est repéré et fixé, puis réparé à 6 semaines après disparition des phénomènes inflammatoires. L’algodystrophie séquellaire n’est pas exceptionnelle. Lors des fractures du coude, le nerf ulnaire est lésé dans les embrochages de la colonne médiale dans environ 3 % des cas. Lésions nerveuses d’origine fracturaire chez l’enfant Souvent méconnues initialement, il est alors difficile d’affirmer si elles résultent de la fracture ou de son traitement. Quel que soit le nerf atteint, son exploration s’impose en l’absence de récupération à 4 mois. Plaies des nerfs collatéraux digitaux La réparation de toutes les lésions, se fait en urgence, en évitant les recoupes importantes. La récupération sensitive est obtenue dans 60 % des cas, mais reste imparfaite. La suture directe et sans tension est préférable, les greffes ayant de moins bons résultats. Les pertes de substance peuvent bénéficier d’une dissection au large, voire d’un lambeau cutané d’avancement « porte nerf ». Traitement La suture microchirugicale atraumatique a certainement été le progrès le plus important dans le traitement des lésions traumatiques du nerf périphérique. Il faut savoir que la suture fascicule par fascicule ne s’est pas montrée supérieure à la suture par groupe de fascicules. Lors de la suture microchirurgicale, il existe toujours une discordance entre les fibres. La recherche fondamentale a montré que dans la réussite de la suture, interviennent des facteurs biologiques que l’on commence seulement à mieux appréhender. Les lésions associées (tendon, os, vaisseau) sont traitées en premier. La suture microchirugicale atraumatique a certainement été le progrès le plus important dans le traitement des lésions traumatiques du nerf périphérique. Suture primitive en urgence Elle s’impose pour toute section partielle ou totale sans perte de substance ni contusion, avec un bon contact précis des moignons axonaux. La suture est conduite d’arrière en avant par 5 à 6 points séparés au fil non résorbable 9/0. Lorsqu’il existe une contusion ou une perte de substance, les moignons sont repérés et rapprochés en urgence pour éviter la rétraction et diminuer la perte de substance, et donc la taille de la greffe conséquente éventuelle. La réparation secondaire est programmée lorsque les conditions de cicatrisation locale seront satisfaisantes. Suture secondaire Elle est toujours plus facile lorsque l’on a procédé en urgence, au rapprochement des moignons, pour éviter la rétraction et limiter la cicatrice fibreuse. Après résection du névrome, et lorsque la perte de substance ne dépasse pas 5 à 10 mm, on se retrouve dans les conditions de la suture primaire, si le rapprochement des extrémités est possible. Une flexion articulaire est souvent utile pour y arriver. La suture est alors conduite au monofilament 8/0. Sinon, le recours à la greffe et à d’autres artifices devient alors nécessaire. Certaines techniques sont encore du domaine expérimental comme les substituts nerveux et les cellules de Schwann cultivées. Surveillance La recherche du Tinel est un test simple et précieux : – s’il reste localisé au site lésionnel, il évoque un névrome ; – lorsqu’il descend progressivement, il traduit un processus de régénération dont la vitesse est d’environ 1 mm/j. La motricité réapparaît de manière progressive. La surveillance EMG est un adjuvant pratique et relativement quantifiable. La sensibilité de protection réapparaît avant la sensibilité discriminative et les délais de récupération peuvent atteindre 2 à 3 ans, et s’accompagner de troubles dysesthésiques et douloureux, d’hyperesthésie et de sensibilité au froid. Lorsque la récupération se fait, on voit réapparaître la sudation et la repousse des phanères. La rééducation fonctionnelle et les orthèses sont fondamentales pour éviter l’enraidissement en position vicieuse. Facteurs pronostiques Les améliorations ne peuvent venir que des paramètres biologiques intervenant dans la réparation des lésions nerveuses périphériques, car il y a des phénomènes d’épuisement de la repousse nerveuse, des erreurs de correspondance des fascicules, une dégénérescence des effecteurs.

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