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Imagerie

Publié le 02 nov 2009Lecture 9 min

Traumatisme crânien de l'enfant : interprétation et pièges du scanner cérébral

P. LE DOSSEUR, C. DE VECCHI, Service Imagerie pédiatrique et foetale, CHU de Rouen
Les traumatismes crâniens de l’enfant déterminent des lésions intra- ou péricérébrales qui sont essentiellement fonction du type de traumatisme et de l’âge de l’enfant. Le scanner est l’examen le mieux adapté à la prise en charge des traumatisés crâniens en urgence et ce dans toutes les indications neurochirurgicales. En revanche, il est peu performant pour une datation au-delà du 10e jour, et il comporte des pièges techniques et sémiologiques qu’il faut connaître.
Pourquoi le scanner ? Une bonne connaissance de l’anatomie des espaces péricérébraux est indispensable à la compréhension des images. L’échographie transfontanellaire avec une sonde à focale courte permet une bonne illustration des différents espaces (figure 1). Seul l’espace sous-arachnoïdien est normalement identifiable, contenant le liquide céphalo-rachidien péricérébral. Les autres espaces sont virtuels, parcourus par des vaisseaux. Si l’échographie fournit les plus belles images de la surface du cerveau, elle a l’inconvénient de n’explorer que la région médiane proche de la fontanelle antérieure. Elle peut donc ignorer les épanchements en région frontale, pariétale ou occipitale (figure 2). La déviation des structures médianes n’est pas un signe assez sensible pour faire de cette technique une méthode d’exploration utile en pratique. Le scanner reste donc l’outil le mieux adapté à la prise en charge des traumatisés crâniens en urgence car il est plus disponible et plus rapide que l’IRM, plus complet que l’échographie transfontanellaire et il reconnaît toutes les indications neurochirurgicales. En revanche, il est moins exhaustif et moins « pronostique à long terme » que l’IRM, il est peu performant pour une datation au-delà du 10e jour, il est irradiant et peut nécessiter une sédation, et il comporte des pièges techniques et sémiologiques. Figure 1. Échographie. L’espace sousarachnoïdien est bien différencié de l’espace sous-dural en raison de la présence d’un hématome sous-dural bilatéral. L’espace souspial est le plus richement vascularisé des trois.  Figure 2. Les hématomes de la convexité, bien visualisés en IRM, ne sont pas accessibles à l’échographie transfontanellaire. Protocole d’interprétation d’un scanner crânien Figure 4. L’étude de la voûte, des fontanelles, des sutures, des os wormiens, nécessite un travail de fenêtrage et de reformatage pour différencier ces structures normales des fractures, surtout en cas de maltraitance. Figure 3. L’analyse des images doit être complète : voûte, espaces péricérébraux, cortex, substance blanche, ventricules, citernes prépontiques. À 6 mois, la substance blanche, peu myélinisée, apparaît hypodense.  Figure 5. À 3 ans, les structures cérébrales ont un aspect proche de celui de l’adulte. • Crâne et parties molles : – travail des fenêtres de lecture (figure 4) ; – reconnaissance des sutures normales et accessoires ; – étude de la base du crâne et de la charnière OC. • Espace sus-tentoriel : – mesure d’une déviation des structures médianes ; – étude des espaces péricérébraux et des sillons ; – recherche d’une hyper/hypo densité du parenchyme ; – étude du système ventriculaire (dilatation, asymétrie) ; – études de la faux et des sinus veineux (figure 5). • Espace sous-tentoriel : – reformatage des images dans les trois plans ; – recherche d’un effacement des citernes de la base ; – étude de la tente et des sinus veineux. Sémiologie des images anormales Figure 6. L’hématome extra-dural suraigu est facile à reconnaître, image hyperdense hétérogène biconvexe comprimant le cortex et refoulant le ventricule homolatéral. Figure 7. L’hématome sous-dural récent est hyperdense, souvent peu épais, tapissant la voûte, s’insinuant le long de la faux du cerveau.  Figure 8. Les ruptures axonales, typiques de l’enfant secoué, sont mieux vues en IRM : hémorragies à la jonction cortex-substance blanche en hyper signal T1, avec oedème périphérique en hyposignal à gauche. L’IRM est utile au pronostic.   Hématome extra-dural ou sous-dural. Dans les deux cas, les images sont faciles à reconnaître : les images biconvexe d’hématome extra-dural (figure 6) ou plus linéaire d’hématome sous-dural sont d’autant plus identifiables que le saignement est récent du fait de leur hyperdensité par rapport au parenchyme. L’oedème cérébral est également facile à identifier, refoulant la faux et comprimant le ventricule (figure 7).   Les hématomes intra-cérébraux, de densité souvent hétérogène, sont également faciles à identifier. Plus difficiles sont les hémorragies plus fines et éventuellement plus dispersées, telles qu’en génèrent des ruptures axonales chez l’enfant secoué (figure 8).   Surveillance. L’intérêt du scanner est aussi de suivre l’évolution des lésions intra-crâniennes (figures 9, 10 et 11). L’évolution ultérieure et le bilan des séquelles devront être réalisés par IRM sur un examen programmé chez un enfant plus calme (figure 12). Le scanner doit être utilisé avec parcimonie. La dose est loin d’être nulle, en particulier pour le cristallin. Des publications alarmistes ont fait penser que le scanner chez l’enfant pouvait altérer à terme les fonctions cognitives. Rien n’est prouvé dans ce domaine. Par contre, à partir du cinquième scanner, chez certains sujets, l’apparition d’une cataracte pourrait être favorisée. Les pièges techniques L’examen rapide d’une planche de 12 ou 15 images sélectionnées permet en général d’apprécier globalement la présence ou non d’une lésion indiquant la chirurgie. En revanche, l’étude exhaustive des lésions nécessite le travail sur écran.   Figure 9. AVP, choc direct, coma, scanner à J1 : hématome sous-dural, oedème cérébral. Effacement des sillons et scissures. Figure 10. Même patient que fig. 9, scanner à J2 : régression de l’oedème ; l’hématome reste hyperdense.  Figure 11. Même patient que fig. 9 et 10, scanner à J8 : l’oedème a disparu ; l’hématome isodense est difficile à identifier. Le scanner peut paraître normal. Figure 12. Même patient que fig. 9, 10 et 11, IRM pondérées T1 à J10 : l’hématome est mieux localisé. Il n’y a pas de lésion intra-cérébrale. On trouve un hématome sous-dural le long de la lame basilaire qui n’avait pas été vu sur le scanner faute de travail de l’image. En effet : • L’examen de toutes les coupes est indispensable pour reconnaître certains pièges comme les hémorragies très localisées au niveau du vertex (figure 13) et de la fosse postérieure. • Le travail de fenêtrage est nécessaire pour différencier l’espace sous-arachnoïdien de l’espace sous-dural (figure 14), pour bien différencier la substance blanche du cortex, en particulier au niveau des noyaux gris centraux et du tronc cérébral. Le travail des fenêtres est indispensable pour explorer la voûte du crâne lorsqu’il y a un contexte de maltraitance (figure 15). Les fractures de la base peuvent orienter vers la recherche d’une hypoacousie, d’une otorrhée, d’une rhinorrhée. • Le reformatage est souvent utile pour confirmer une lésion suspectée sur le plan axial. L’aspect de la substance blanche spontanément hypodense chez le nourrisson doit être symétrique dans tous les plans. Une hypodensité localisée peut correspondre à une zone d’ischémie (figures 16 et 17). Le reformatage permet aussi de mieux identifier les sinus veineux lorsque le plan d’acquisition initial n’est pas strictement normalisé. L’aspect hyperdense des sinus veineux chez le nourrisson est une particularité qui doit être différenciée d’une thrombose ou d’une hémorragie sous-durale interhémisphérique fréquente dans la maltraitance. Figure 13. Enfant secoué de 7 mois. L’hématome sous-dural n’est visible que sur deux des trois dernières coupes axiales : toutes les coupes doivent être regardées une à une. Figure 14. Enfant secoué, 18 mois. Hématome sous-dural bilatéral. Le travail de fenêtrage permet d’identifier autour du cerveau deux tonalités de gris différentes. Le LCR sous-arachnoïdien est plus noir que le sang sous-dural. Figure 15. Enfant battu, 6 mois. Le fenêtrage permet de reconnaître une fracture pariétale postérieure gauche avec embarrure et une fracture pariétale droite plus discrète. Figure 16. Enfant de 1 mois accidenté. Hématome sous-dural et hémorragie méningée. Effacement de l’hypodensité normale de la substance blanche et hypodensité corticale pariéto-occipitale anormale.  Figure 17. Même enfant que fig. 16. IRM pondérée T1 : hématome sous-dural à cheval sur la tente du cervelet ; séquence en diffusion, cartographie ADC (apparent diffusion coefficient) : phase d’oedème cytotoxique traduisant l’ischémie des lobes occipitaux. L’IRM est utile au pronostic. Les pièges sémiologiques Figure 18. Deux enfants de 14 mois avec des espaces péricérébraux larges, qui semblent à première vue de tonalités identiques. À gauche, les sillons et scissures sont bien creusés, les ventricules sont larges : macrocranie à cerveau normal. À droite, les sillons et scissures sont effacés, les ventricules sont comprimés : hématome sous-dural bilatéral. La faux du cerveau et la tente sont spontanément hyperdenses chez l’enfant. Elles apparaissent sous la forme d’un liseré dense, régulier, fin, qu’il ne faut pas confondre avec une hémorragie sous-durale, qui est en général plus irrégulière. Les espaces sous-arachnoïdiens normaux ont une épaisseur très variable chez le nourrisson et le jeune enfant. Les macrocrânies simples, à cerveau normal, ne doivent pas être confondues avec un hématome ou un hydrome sousdural bilatéral et symétrique (figure 18). L’effacement des sillons, la disparition des vallées sylviennes, la compression des ventricules latéraux sont des signes en faveur d’une collection sous-durale et non d’un simple espace sousarachnoïdien un peu large. Un hématome sous-dural peut être dilué par du liquide sousarachnoïdien. Il devient alors moins dense et sa topographie est plus irrégulière. Lorsque la différenciation cortexsubstance blanche n’est pas apparente, il faut la rechercher à l’aide d’un travail des fenêtres. Sa disparition est évocatrice d’oedème cérébral. Si celle-ci s’accompagne d’une hypodensité localisée, il peut s’agir d’une lésion ischémique. Quand celle-ci est symétrique, elle peut être difficile à affirmer. Les pièges de la datation Lorsqu’un contexte de maltraitance est évoqué, le problème de la datation des lésions se pose. Il existe des pièges et il convient d’être très prudent. La confrontation avec l’IRM est indispensable même si celle-ci ne donne que rarement des informations définitives en termes de datation. Un saignement hyperdense est probablement un saignement datant de moins d’une semaine. Un saignement iso- ou hypodense au cortex est probablement plus ancien, mais il y a de nombreuses causes d’erreur.

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