Publié le 15 oct 2007Lecture 6 min
Une méningite qui laisse sceptique
J. TEULADE*, J. BRUNON**, J.-L. STÉPHAN* Service de Pédiatrie*, Service de Neurochirurgie**, CHU Saint-Etienne
Cette fillette de 33 mois est hospitalisée pour perte de poids et fièvre. L’histoire débute 2 mois et demi auparavant par des épisodes récurrents assez stéréotypés avec fièvre à 39 °, vomissements et perte de l’appétit.
Cette symptomatologie dure 24 à 48 heures, la fillette retrouvant un bon état général entre ces « crises ». L’enfant est hospitalisée une première fois ; la biologie est peu informative en dehors d’un syndrome inflammatoire modéré (CRP : 30 mg/l, VS : 49 mm) et d’une hyperleucocytose (15 300 GB/mm3, dont 10 400 PNN). La normalité de l’examen clinique, l’apyrexie spontanée et la bonne tolérance alimentaire autorisent rapidement le retour à domicile. Mais les épisodes de fièvre et vomissements deviennent de plus en plus fréquents, avec une perte de poids qui s’accentue et une altération de l’état général qui justifient une nouvelle admission. L’examen clinique retrouve alors chez une enfant très asthénique et plutôt repliée sur elle-même, opposante, des signes importants de dénutrition. L'examen neurologique est normal. La jeune patiente est examinée sur le plan digestif : bilan hépatique, échographie abdominale, endoscopie digestive et biopsies duodénales, etc. On réalise diverses sérologies virales et immunitaires, ainsi qu’un fond d’oeil, tous non contributifs. La dégradation de son état général se poursuit avec une fièvre permanente, une intolérance alimentaire presque totale, et l'apparition de céphalées nocturnes marquées. La tomodensitométrie met alors en évidence une image de 16 mm de diamètre à contours flous avec réhaussement périphérique après injection, dans la fosse cérébrale postérieure sur la ligne médiane, au contact du bord inférieur du vermis cérébelleux. Le diagnostic d’abcès est évoqué. Une ponction lombaire retrouve un liquide clair mais inflammatoire, avec 257 éléments nucléés/mm3 dont 40 % de PNN, 39 % de lymphocytes, 18 % de monocytes, 3 % de plasmocytes. L’examen direct est négatif et les cultures stériles. La protéinorachie est à 1,38 g/l et la glycorachie à 1,1 mM/L. Une antibiothérapie empirique est débutée par voie parentérale. Une IRM de l’encéphale et de la moelle confirme la présence de la lésion située entre les hémisphères cérébelleux, en arrière et en-dessous du vermis (figures 1 et 2) en hyposignal T1, modérément hétérogène en hypersignal T2, en partie d’origine liquidienne d’après les séquences FLAIR. Il existe un réhaussement périphérique en coque fine après injection de gadolinium. Figures 1 et 2. Figure 1. IRM de l’encéphale et de la moelle confirmant la présence d’une lésion située entre les hémisphères cérébelleux, en arrière et en-dessous du vermis, en hyposignal T1. Figure 2. IRM de l’encéphale et de la moelle confirmant la présence d’une lésion située entre les hémisphères cérébelleux, modérément hétérogène en hypersignal T2. Quels diagnostics évoquez-vous ? L’aspect de l’IRM fait évoquer le diagnostic de malformation de la fosse postérieure et l’examen minutieux du scalp retrouve en effet une petite tuméfaction strictement médiane sans pertuis, mesurant moins de 1 cm de diamètre sur 1 mm d’épaisseur. La persistance de la fièvre et l’altération de l’état général n’étant pas modifiées après 7 jours d’antibiothérapie, une exérèse neurochirurgicale est décidée. La réalisation d’un volet occipital permet de découvrir une volumineuse lésion occupant la grande citerne et développée entre les amygdales cérébelleuses, les hémisphères cérébelleux et refoulant en avant le vermis. L’exérèse est macroscopiquement complète. L’examen anatomopathologique confirme l’existence d’une formation kystique dont la paroi est tapissée d’un épithélium malpighien orthokératosique. La cavité du kyste est emplie de produit de desquamation lamellaire. Latéralement, la matrice kystique s’adosse à un tissu fibro-inflammatoire. Il s’agit donc d’un kyste épidermique de la fosse postérieure révélé par une méningite aseptique. L’examen bactériologique du contenu est négatif. Les suites opératoires ont été simples et l’enfant a pu retourner à son domicile 3 semaines après la chirurgie. Les kystes épidermoïdes et dermoïdes, décrits aussi dans la littérature sous le terme de « tumeurs perlées », sont des malformations qui rendent compte de 0,3 à 1,8 % selon les séries de tous les processus expansifs intracrâniens. Largement décrits chez l’adulte, leur âge de révélation habituel est autour de 50 ans. Ces lésions malformatives résultent de l’inclusion de cellules de l’ectoderme primitif séquestré au cours de la fermeture du tube neural et sont retrouvées tout le long de la ligne médiane, le plus souvent dans la région lombosacrée, lieu de fermeture terminale du tube neural. De façon beaucoup plus exceptionnelle, les kystes peuvent se trouver au niveau de la fosse postérieure, de l’angle ponto-cérébelleux (figure 3) ou du vermis. Figure 3. Kyste de l’angle ponto-cérébelleux. La présentation clinique est variée, le kyste pouvant être de découverte fortuite ou révélé par une complication infectieuse comme une méningite bactérienne, un abcès ou par une hypertension intracrânienne (figure 4). Figure 4. Volumineux kyste épidermoïde révélé par une hypertension intracrânienne (HIC). Le germe le plus fréquemment retrouvé dans les abcès sur kyste dermoïde ou épidermoïde est le staphylocoque aureus, puis viennent les bacilles Gram négatif (E. Coli, B. fragilis, Proteus species, Klebsiella species). Une réaction cellulaire aseptique, telle qu’observée ici, constitue très rarement un mode de révélation. Elle correspond probablement à une réaction au contact des substances pro-inflammatoires lipidiques contenues dans le kyste, souvent fissuré.
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