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Alzheimer et Démences

Publié le 22 nov 2009Lecture 5 min

Les déments au volant sont-ils dangereux ?

C.BENOLIEL d'aprés C. FABRIGOULE, CNRS, Université Victor Segalen, Bordeaux
L’ activité de conduite automobile est classée parmi les activités instrumentales de la vie quotidienne. Elle est complexe, car elle nécessite des capacités visuelles, motrices et cognitives.
Conduite automobile et cognition Contrôles cognitifs On peut assimiler un conducteur à un système de traitement de l’information. Le conducteur doit faire deux choses en lien l’une avec l’autre : il doit sélectionner les informations pertinentes à la conduite (cela fait appel à l’attention), mais il doit également répondre de façon adéquate (c’est la sphère des fonctions exécutives).   L’attention Deux notions interviennent : la quantité et la sélectivité. La partie quantitative intéresse le niveau de vigilance (perturbé dans la confusion) et la capacité à avoir une alerte cognitive. La sélectivité implique la nécessité de sélectionner les éléments utiles. Au volant, beaucoup d’informations sont à inhiber (la radio…). Il faut être capable d’attention divisée, car très souvent on doit faire une double tâche (chercher son trajet et converser avec le passager). L’attention soutenue permet de conduire longtemps sur une route surchargée et active le contrôle cognitif qui peut s’épuiser très vite, d’autant plus vite qu’il existe une pathologie du système nerveux.   Les fonctions exécutives Elles impliquent la planification, flexibilité mentale (changer de réponse lorsque la situation change), la gestion des conflits (je réponds au portable ou je double ?) et l’inhibition de certaines actions au profit d’autres. La conduite automobile est une des seules activités de la vie quotidienne où l’on ne maîtrise pas toujours la contrainte temporelle. Quand on est âgé et un peu ralenti, on peut faire la cuisine à son rythme ; au volant, ce sont souvent les autres conducteurs qui vous imposent leur rythme. La composante vitesse de traitement, aussi bien des informations que des réponses, est donc essentielle dans la conduite automobile.   Les niveaux de contrôle cognitif Les processus contrôlés sont volontaires, initiés par le sujet et nécessitent des ressources attentionnelles. Ils sont donc conscients. Beaucoup de processus se déroulent de façon automatique. Ils peuvent se déclencher presque indépendamment de la volonté du sujet, sans ressource attentionnelle, et de façon non consciente. Dans tout notre savoir-faire, on passe d’abord par un stade de contrôle, puis par répétitions, on acquiert des automatismes, comme pour la conduite automobile. Les processus automatisés sont dans l’ensemble plus résistants aux pathologies cérébrales ; cela s’applique aux démences.   Au cours des vieillissements physiologique et pathologique… L’efficience de ces processus est moindre au cours du vieillissement normal. Mais elle s’altère en cas de démence. Au stade démentiel de la maladie d’Alzheimer, se rajoutent des troubles de la planification qui n’existaient pas ou peu dans la phase prédémentielle. Les personnes âgées : dangereuses sur la route ? Contre-indications Dans la population générale, les conducteurs âgés sont moins impliqués dans un accident de la route (1). Mais si on prend en compte le nombre de kilomètres parcourus, alors les accidents sont plus nombreux (2) et concernent surtout les « traversée chaussée/ tourne à gauche » (3), manoeuvres qui en terme attentionnel et exécutif sont les plus complexes (tableau 1). Tableau 1. Pourcentage d’accidents de la route par nature et par tranches d’âge. Quand ils sont blessés, les conséquences en termes de mortalité et de gravité sont plus importantes que pour les plus jeunes. Ils sont plus dangereux pour eux-mêmes que pour les autres3. La conduite des personnes âgées est donc plus un enjeu de santé publique que de sécurité routière. Toutefois, il est important de mieux comprendre ce qui caractérise les conducteurs âgés à risque d’accident, afin de développer des stratégies pour les protéger. Quels sont les conducteurs âgés à risque d’accident ? L’étude SEROVIE L’étude SEROVIE (Sécurité Routière et Vieillissement), combinant deux approches (expérimentale et épidémiologique), a voulu déterminer les composantes cognitives en lien avec la dangerosité de la conduite automobile (4). Elle souligne : - l’hétérogénéité des performances de conduite chez les patients déments très débutants ; - le décalage chez les patients déments entre l’évaluation pratique de la conduite et le risque réel d’accident. Le risque est modulé du fait de la réduction voire l’arrêt de l’activité de conduite automobile ; - l’important que le patient soit dément ou non, c’est la prise de conscience des difficultés attentionnelles et exécutives, et de leurs répercussions sur l’activité de conduite. Tableau 2. Trail Making Test B. Comment agir ? Il faut aider les conducteurs à évaluer leurs capacités, afin de réguler leur activité de conduite. Deux outils sont proposés :   Codes de Wechsler L’approche expérimentale de cette étude a permis de montrer que parmi les tests cognitifs, la performance aux codes de Wechsler est très liée à celle de la conduite. Il s’agit d’un test de vitesse visuo-attentionnel : raisonnement logique, vitesse de traitement (test chronométré), attention visuelle, stratégie.   Le Trail Making Test B Ce sont les résultats de l’approche épidémiologique qui ont montré que la flexibilité mentale est le meilleur prédicteur des accidents. Le Trail Making Test B a été retenu comme meilleur indicateur du risque d’accident (tableau 2). Attitude du médecin Le médecin est lié au respect du secret professionnel, mais il se doit une obligation de conseil. Il doit alerter le patient et sa famille sur les risques. Arrêt de la conduite : pourquoi est-ce si difficile ? Il est difficile d’admettre que l’on a perdu certaines capacités, surtout si ce sont des capacités cognitives, et ce d’autant plus qu’il existe un déni. Ne plus conduire, c’est accepter une perte de l’autonomie des déplacements et de son rôle social. Mais le meilleur moyen de respecter la dignité du patient est de le convaincre de la nécessité de l’arrêt de la conduite.

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